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Audition des envois de Rome

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Audition des envois de Rome.

L’administration des Beaux-Arts a fait exécuter au Conservatoire les deux envois de M. Paul Vidal, grand prix en 1883. Au programme : Vision et Marche du sacre de Jeanne d’Arc ; deuxième acte de Saint Georges, légende dramatique en trois parties, poème de M. Maurice Bouchor. Peu de monde dans la salle. Les exécutions officielles n’ont décidément pas les faveurs du public. L’attention est distraite, et, si les mouchoirs s’agitent, c’est plus près du nez que des yeux. La grippe est maîtresse au Conservatoire comme partout.

Et pourtant, ce qu’on entend mérite d’être écouté. M. P. Vidal n’est pas n’importe qui. Les fragments de sa Jeanne d’Arc suffiraient à le prouver. Nous avons déjà parlé de la Marche exécutée à l’Institut, la scène de la Vision ne lui est pas inférieure. Conçue dans une forme absolument moderne, d’un dessin très ferme, elle a plu par la franchise de l’inspiration et la grâce naïve tout exempte de mièvrerie. M. Berthelier en a exécuté en artiste le solo de violon. Cette Jeanne d’Arc sera-t-elle la dernière ? On ne peut que le souhaiter.

Avec Saint Georges, nous entrons dans un ordre d’idées tout différent. Permettant au compositeur dramatique d’affirmer ses aptitudes vigoureuses, le poème de M. Bouchor n’est, en somme, qu’une version christianisée de la fable de Persée et Andromède. Il ne manque pas de mouvement et offre quelques scènes d’un véritable lyrisme. M. Vidal s’en est emparé, le suivant, le commentant, avec une aisance de main bien rare chez un débutant. Ce qu’il faut louer en lui, c’est la sobriété surtout. Point de délayage dans ses coups de pinceau ; point de bavures de couleurs en dehors du point où il a voulu en mettre. Qu’il chante le rêve de Saint Georges, ou le combat contre le dragon ; qu’il s’abandonne à la poésie dont le personnage de Sélénis est empreint, ou entonne l’hymne d’action de grâces, c’est toujours la même fermeté. On a reproché à M. Vidal, une certaine exagération de mouvement, comme une sorte de hâte excessive dans la succession de ses effets. Mieux vaut, chez un jeune, l’excès dans ce sens que dans l’autre : le grouillement que l’immobilité.

L’interprétation n’a été que bonne. L’orchestre a fait la note sans observer assez la nuance. Il en est résulté une crudité de tons jetée sur certaines pages de l’œuvre et atténuant tous les effets d’opposition. Aux prises avec un tel orage orchestral, Mme Leroux-Rebeyre devait fatalement succomber. Elle n’a pu reprendre ses droits tout de grâce et de charme qu’à la fin, dans l’interprétation d’une sorte de petit noël exquis. Un amateur, M. Baudoin, remplaçait au pied levé M. Escalaïs malade. Il a su faire oublier que le rôle avait écrit pour un autre que pour lui. Bien peu seraient capables d’un pareil tour de force, témoignant de ses facultés musicales et vocales. Les chœurs ont été moins que médiocres. Le joli timbre des voix n’a pu malheureusement remplacer le manque absolu de mesure.

Related persons

Conductor, Composer

Paul VIDAL

(1863 - 1931)

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publication date : 12/07/23