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Prix de Rome

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CONCOURS DE ROME.

L’Institut a rendu ainsi qu’il suit son jugement sur les cantates présentées par les candidats au prix de Rome : Premier grand prix : M. G. Marty, élève de M. Massenet. Second grand prix en 1880. Second premier grand prix : M. G. Pierné, élève de M. Massenet, concourait pour la première fois. Pas de second prix. Mention honorable : M. Leroux, élève de M. Massenet, concourait pour la première fois. Voilà le résultat exact et officiel que tous nos confrères, bien avant nous, ont publié dans son laconisme discret : mais nous croyons que notre titre nous engage à faire davantage pour nos lecteurs, et qu’il serait intéressant de tracer un compte-rendu développé de la séance, et une petit étude de chaque cantate ; aussi, allons-nous essayer de faire l’un et l’autre. Les auditions devant l’Institut tout entier (c’est-à-dire toutes les sections réunies), présidé par M. Lenepveu, devaient avoir lieu dans l’ordre suivant : 1 M. Vidal ; 2 M. Leroux ; 3 M. Pierné ; 4 M. Taillade ; 5 M. Marty. La séance devait commencer à midi précis ; mais Mlle Griswold qui devait chanter l’œuvre de M. Vidal se trouvant indisposée, on a cru un instant que la séance ne pourrait avoir lieu. Fort heureusement une dame du monde, musicienne distinguée, se trouvait là, et voyant l’extrême embarras du pauvre concurrent s’est gracieusement offerte à M. Vidal pour apprendre le rôle en une heure. L’auteur de cet acte de dévouement a reçu publiquement les remerciements de l’Institut ; mais nous tenons à féliciter Mme Fuchs de son immense talent de musicienne, car nous croyons que peu d’artistes, même parmi les plus célèbres, auraient été capables de chanter le rôle comme elle l’a fait, après une heure de lecture. La cantate à mettre en musique était, comme l’année dernière du reste, de M. Ed. Guinand. Après la bataille, au milieu des morts et des mourants, un moine cherche le corps de Harold ; accablé de fatigue, il va cesser ses recherches infructueuses, quand il aperçoit Edith, qui vient pour le même motif : ils se mettent à chercher de nouveau et Edith ne tarde pas à trouver Harold étendu sur le champ de bataille, respirant à peine, mais respirant encore. À la vue d’Edith il se soulève, lui parle et ne tarde pas à retomber inanimé ; celle-ci appelle du secours, le moine arrive, et avec un cordial vigoureux ranime le mourant. Sur la prière d’Harold, il l’unit devant Dieu à celle qui l’aime assez pour être venue le chercher dans un lugubre lieu. Voilà en quelques mots le sujet sur lequel M. Guinand a écrit des vers assez faciles, et MM. Vidal, Pierné, Marty, Leroux et Taillade une musique dont l’ensemble a donné un concours supérieur à ceux des années précédentes. M. Leroux montait en loge pour la première fois et a bien gagné la mention que lui a donnée le jury ; il manque encore un peu de métier, mais cela s’acquiert vite avec un maître comme M. Massenet. Le prélude de sa cantate n’est pas mal ; il nous a semblé cependant qu’il abusait des trémolos à l’aigu, ce qui donne à son prélude une forme trop mélodramatique. L’air du baryton, de beaucoup le meilleur morceau de l’œuvre, est fort bien composé : l’auteur de ce passage est certainement appelé, pour un des prochains concours, à faire une œuvre digne d’une haute récompense. Toute la partie qui sépare cet air du duo est honnête et rien de plus ; dans le duo on sent trop l’élève, qui s’est attaché à imiter son maître ; le premier air avait une note personnelle qui nous permet de vous dire : faites du Leroux, ne cherchez pas à faire du Massenet. Nous ne partageons pas tout à fait la manière de voir de l’Institut sur M. Pierné : pour ces messieurs, l’audition de sa cantate a été une révélation et ils l’ont bombardé Prix de Rome à dix-neuf ans. Mon Dieu ! ces messieurs sont plus aptes que nous à juger ce que sera un musicien en herbe et nous sommes loin de revendiquer leur compétence, mais nous croyons qu’une année d’études supplémentaires n’aurait pu lui faire de mal. Le prélude manque d’originalité et si la phrase d’Harold :

            Oui, pour t’adorer je veux vivre,

s’étale bien, on lui cherche en vain la note personnelle. L’ensemble final traité avec une certaine habilité et qui sonne assez bien nous a paru banal et vulgaire. M. Taillade n’a obtenu aucune récompense ; nous avouons ne pas en vouloir au jury de l’avoir ajourné à l’année prochaine, car nous n’avons pas trouvé dans son œuvre autre chose que beaucoup de bonne volonté. La cantate de M. Vidal n’a pas eu le don de plaire au jury ; nous le regrettons infiniment pour M. Vidal d’abord et ensuite pour nous, nous trouvant encore une fois en désaccord avec l’illustre assemblée qui a pour mission d’envoyer les artistes travailler aux frais du gouvernement en Italie. Nous avons trouvé cette cantate de beaucoup supérieure aux trois qui ont été exécutées avant elle : toute la partie du moine a été écrite avec une largeur, une ampleur remarquables ; l’originalité est la qualité maîtresse de l’œuvre toute entière ; de plus M. Vidal est le seul qui ait compris la fin de l’ouvrage et qui ait terminé sa cantate piano ; tous les autres concurrents ont fini la leur par un forte formidable, sans se demander s’il était logique de faire crier comme un sourd ce malheureux Harold qui, quelques minutes avant, était à deux doigts de la mort. Cette marque de bon goût et d’intelligence aurait pu faire prendre en considération les autres qualités de l’œuvre. M. Marty, dont la cantate terminait la séance, a remporté un grand succès et a obtenu son prix à l’unanimité ; contentons-nous pour aujourd’hui de déclarer que c’était justice, car son œuvre est vraiment très belle. Nous nous réservons d’en donner un compte rendu exact et complet lorsque nous l’aurons entendue à orchestre à la distribution des prix de l’Institut.

Paul Girod.

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