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Théâtres. La Montagne noire

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THÉÂTRES

Le public de l’Opéra attendait depuis longtemps, avec une grande curiosité et une vive sympathie, la première représentation de la Montagne Noire, le drame lyrique dont le poème et la musique sont l’œuvre de Mme Augusta Holmès, l’auteur déjà apprécié dés Argonautes d’Irlande et de l’Ode triomphale de 1889…

Aussi le nom de cette grande et énergique artiste a-t-il été salué par des applaudissements.

La Montagne Noire est un des ouvrages les plus intéressants qui nous aient été présentés depuis longtemps.

Le livret, dont la donnée, n’est pas sans analogie avec l’admirable drame de M. François Coppée, Pour la Couronne, le grand succès de l’Odéon, — est de toute beauté. Son affabulation est noble, rapide et passionnée ; le style en est élevé, varié, personnel.

Et, dans la partition qu’il a inspirée à son auteur, on trouve des traces évidentes des plus hautes préoccupations artistiques ; On y sent l’influence du maître de Mme Holmès, le regretté et immortel César Franck ;on y reconnaît aussi la constante préoccupation de l’inspiration personnelle.

Parue : depuis plusieurs ; jours chez l’éditeur Philippe Maquet, cette partition réduite pour piano et chant, est d’une lecture très attachante. La mélodie y est claire, bien « déclamée » ; et les accompagnements en sont d’une harmonie très recherchée.

L’orchestration, simple à la fois et ingénieuse, est très facile à comprendre et ne domine jamais les voix. Les chœurs sont bien traités, et font partie intégrante du drame…

Le sujet traité est simple. Dans le Monténégro, au dix-septième siècle, les chrétiens conduits par deux valeureux chefs, Aslar et Mirko, viennent de repousser les Turcs.

Les deux jeunes héros font consacrer solennellement leur fraternité d’armes :

Je jure devant Dieu de t’aimer comme un frère,
Dans la vie ou la mort, dans la paix ou la guerre,
Et de sauvegarder ton honneur de chrétien,
Fût-ce au prix de mon sang ou fût-ce au prix du tien !

Or, les soldats amènent une captive turque, Yamina. La foule demande, dans sa haine des infidèles, qu’on la tue. Mirko, frappé de sa beauté, sauve sa vie.

Bien que fiancé déjà à la douce Héléna, Mirko s’éprend furieusement de la captive. Yamina le devine, et elle jette un charme pervers sur le héros… Bientôt à bout de forces, lui, le guerrier intrépide et jusque-là sans reproche, il subira ce charme jusqu’à accepter, pour fuir avec cette fille de l’Islam, d’abandonner sa patrie.

Aslar ne peut supporter cette pensée du déshonneur de son frère d’armes. Il se met sur les traces des fugitifs, il les rejoint, il conjure Mirko de revenir à la raison et au devoir. Mirko est profondément troublé ; il comprend son égarement, mais un appel passionné de Yamina l’affole de nouveau ; il n’a plus le courage de se séparer d’elle.

Aslar cherche à lui barrer le chemin ; la traîtresse musulmane le frappe d’un coup de yatagan. Mirko demeure épouvanté, éperdu. Il croit Aslar mort et il s’accuse de la fin de son ami. Ce crime, commis par lui, il veut l’expier, et il va se dénoncer aux guerriers accourus comme le meurtrier, quand Aslar, revenant à lui, arrête cet aveu sur ses lèvres. Il se soulève péniblement : « Les Turcs nous ont surpris, dit-il généreusement, Mirko m’a défendu ! »

Ce mensonge sublime, cependant, n’empêchera même pas la perte de Mirko. Une fois encore, Yamina l’a reconquis. Oubliant ses serments, oubliant la reconnaissance qu’il doit à son frère, il a suivi Yamina dans la ville turque, où il s’abandonne aux enivrements de l’amour, traître à son pays maintenant. Aslar vient le retrouver ; il tente un dernier effort pour l’arracher à cette passion qui l’a rendu lâche, pour l’entraîner au combat. Vains efforts ! Alors, se souvenant de son serment, ne pensant plus qu’à sauvegarder, fût-ce malgré lui, l’honneur de Mirko, il le tue, et, ne voulant pas lui survivre, il s’expose lui-même volontairement à la mort, pendant que, dans le fracas du canon, la ville tombe au pouvoir des guerriers de la Montagne Noire.

Mademoiselle Bréval a, dans le rôle d’Yamina, remporté un immense et légitime succès. Séduisante, énergique, caressante, elle a joué, chanté en grande artiste, et elle a vu se renouveler le triomphe que lui avait valu sa création inoubliable de la Valkyrie.

La voix et le talent de M. Alvarez n’ont jamais été mieux mis en relief que par le rôle de Mirko ; M. Renaud est excellent dans celui d’Aslar ; madame Héglon est remarquable ; mademoiselle Berthet est une délicieuse Héléna, et M. Gresse fait sonner à merveille les belles notes de sa puissante basse dans le rôle d’un vieux prêtre monténégrin.

Fernand Bourgeat

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Fernand BOURGEAT

(1851 - 1932)

Composer, Pianist, Librettist

Augusta HOLMÈS

(1847 - 1903)

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