Mlle de Launay à la Bastille de Gail

Mademoiselle de Launay à la Bastille, opéra comique en un acte, joué le 16 décembre.

Cette prisonnière a été mieux accueillie que celle dont nous venons de parler [Théodore et Constance ou La Prisonnière]. Tour le monde a lu les Mémoires de Madame de Staal, attachée à Madame la Duchesse du Maine, lorsqu’elle était encore Mademoiselle de Launay. On sait qu’elle fut mise à la Bastille ainsi que plusieurs autres personnes attachées à la maison du Duc du Maine, et le Régent soupçonna d’être dans les intérêts de ce Prince. Cette Demoiselle de Launay, qui n’était point jolie, mais qui était aimable et spirituelle, eut des adorateurs, au nombre desquels on compte Fontenelle. M. de Maison Rouge, gouverneur de la Bastille, s’attacha à sa prisonnière, au point de vouloir l’épouser. Il eut pour rival un chevalier de Mesnil, son prisonnier, qui faisait assez joliment des vers, et qui devint amoureux de Mademoiselle de Launay par correspondance. Un jour que le chevalier de Mesnil, profitant de la négligence des porte-clefs, s’était introduit dans la chambre de cette qu’il adorait, comme la Divinité, sans l’avoir vue, le geôlier tira les verrous, et Mademoiselle de Launay se vit obligée d’appeler le gouverneur qui se promenait sous ses fenêtres, et qui fut bien surpris de voir un rival près de sa belle. Le bon M. de Maison Rouge croyait bien qu’il était appelé pour toute autre chose.

Les auteurs de l’opéra nouveau n’ont rien inventé, rien changé à cette petite anecdote. Leur pièce est assez gracieuse ; mais un peu froide. Ils ont gardé l’anonyme. La musique est d’une Dame à qui l’on doit déjà celle des Deux Jaloux, et qui a dignement soutenu la réputation que lui avait donnée ce charmant Opéra.