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Institut de France. Séance publique annuelle

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INSTITUT DE FRANCE. 
Séance publique annuelle de l’Académie des Beaux-Arts. 
(Samedi 6 octobre 1855). 

L’exactitude est la politesse des immortels : aussi, l’heure indiquée pour l’ouverture de la séance venait à peine de sonner, que messieurs les Académiciens, ces rois de l’intelligence, faisaient leur entrée dans l’enceinte du palais, ayant à leur tête MM. Ambroise Thomas, président ; Lemaire, vice-président, et F. Halévy, secrétaire perpétuel : plusieurs membres de l’Académie française s’étaient joints à leurs collègues des Beaux-Arts ; parmi ceux-ci nous avons remarqué entre autres M. le comte de Niewkerke et MM. Simart, Duret, Picot, Allaux, Cogniet, Lebas, Gilbert, Carafa, Adam, Reber et Clapisson. 

La séance a commencé par une ouverture de M. Delehelle, grand prix de composition musicale, qui nous est revenu de Rome cette année. L’œuvre de ce jeune compositeur, élève de M. Adolphe Adam, a mérité de justes et unanimes applaudissements. 

Après la lecture du rapport sur les ouvrages des pensionnaires de l’Académie de France à Rome, et le couronnement des grands prix de peinture, de sculpture, d’architecture, de gravure et de composition musicale, M. Halévy, secrétaire perpétuel, aussi spirituel écrivain que savant compositeur, a lu une notice historique fort intéressante sur la vie et les ouvrages de George Onslow ; et à ce propos nous ne saurions nous empêcher de faire remarquer jusqu’à quel point M. Halévy se montre digne du poste élevé qu’il occupe aujourd’hui au palais Mazarin, et combien les compositeurs doivent s’honorer de compter dans leurs rangs un homme aussi éminent que l’illustre secrétaire perpétuel. 

La séance s’est terminée par l’exécution de la scène qui a valu à M. Conte, élève de M. Carafa, le premier grand prix de composition musicale : le sujet de cette cantate, Acis et Galatée, est emprunté à la Fable, ainsi qu’on le devine aisément d’après le tire de l’ouvrage. 

M. Camille du Locle, l’auteur des paroles, l’heureux vainqueur de soixante-dix rivaux, est un tout petit jeune homme à peine âgé de vingt-deux ans ; son début est fort heureux, et nous attendons prochainement de lui quelque bonne comédie que nous irons applaudir en nous souvenant de l’œuvre plus modeste dont nous avons aujourd’hui à rendre compte. 

L’air de Galatée qui commence la scène de M. du Locle, ainsi que le duo qui suit entre cette nymphe et le jeune berger Acis sont empreints d’un parfum de douce poésie bien propre à inspirer la lyre du compositeur. C’était un fort joli passage à traiter que celui-ci :

Sais-tu la meilleure chose
Qui soit sous l’azur du ciel
Ce n’est la saveur du miel,
Ni le parfum de la rose ;
Mais un bonheur radieux
Qui fait l’homme égal aux dieux…
La félicité suprême,
C’est d’aimer et qu’on vous aime !

Dès l’entrée de Polyphème l’action devient très dramatique, et le musicien avait à traiter une situation toute nouvelle lorsque le cyclope jaloux d’Acis lance un rocher contre lui, et que le jeune berger, métamorphosé en fleuve, dit à la nymphe :

Sèche tes larmes, Galatée,
Les dieux ont fait de ton Acis
Une source à l’onde argentée…
De ta beauté toujours épris,
Ses flots purs traversant les ondes,
Jusque dans tes grottes profondes,
Iront baiser tes pieds chéris !

La musique de M. Conte est d’une mélodie franche, d’une harmonie simple et correcte qui indiquent que ce jeune auteur affectionne particulièrement l’école italienne ; le rythme de ses accompagnements, l’arrangement vocal dans ses morceaux d’ensemble, accusent franchement cette préférence qui a probablement empêché M. Conte de donner à sa partition un peu plus de cette couleur locale que le poëme semblait exiger. Cette restriction faite, nous nous plaisons à reconnaître que la scène de ce jeune compositeur renferme de bonnes qualités, et nous citerons, comme nous ayant particulièrement séduit, l’andante de l’air de Galatée, le début du duo entre la nymphe et Acis, et surtout le passage où l’orchestre exprime la métamorphose de ce dernier. 

Avant de terminer, que M. Conte veuille bien permettre à notre jeune expérience de lui donner un conseil : dans le voyage qu’il va faire en Italie, M. Conte n’entendra malheureusement pas toujours des œuvres empreintes d’un très-bon goût : qu’il se méfie de sa tendance à écrire dans le style de l’école italienne ; certainement cette école est aussi bonne qu’une autre, mais dans tous les genres il ne faut écouter et n’étudier surtout que les bons ouvrages, et c’est par la connaissance des chefs-d’œuvre que, la nature aidant, l’on peut devenir Rossini, Auber ou Meyerbeer. 

La cantate d’Acis et Galatée a été très-bien rendue par Mlle Rey de l’Opéra-Comique, et par MM. Boulo et Merly du Grand-Opéra ; M. Battu dirigeait l’orchestre.

Léonce Cohen.

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