Audition des envois de Rome au Conservatoire
Audition des envois de Rome au Conservatoire.
C’est jeudi dernier qu’a eu lieu au Conservatoire l’audition annuelle des envois de Rome. Elle comprenait cette fois une « Ouverture symphonique » (est-ce qu’il y a des ouvertures non symphoniques ?) de M. Georges Hüe, un important fragment de Sakountala, scène lyrique du même compositeur, écrite sur des vers de MM. G. Cerfberr et C. de l’Eglise, et le Veau d’or, 2e partie d’un drame biblique intitulé Moïse au mont Sinaï, paroles de M. Ed. Guinand, musique de M. Clément Broutin.
L’ouverture de M. Georges Hüe est bien orchestrée et d’un assez bel éclat, mais on y cherche en vain la trace d’une idée mère, et le plan en échappe absolument à l’auditeur le plus attentif. C’est le travail symphonique estimable d’un bon écolier, mais ce n’est pas une ouverture au sens qu’attachaient à ce mot des maîtres comme Cherubini, Méhul, Weber et Mendelssohn. Des quatre scènes dont se compose le fragment exécuté de Sakountala, la première est de beaucoup la meilleure : le premier chœur, accompagné par les harpes, est d’un tissu très harmonieux et d’un excellent sentiment mélodique, et le motif de la danse sacrée (en sol mineur), avec son joli dessin de flûte et ses pizzicati de contrebasses, est original, coloré, et d’un rythme plein d’élégance, de mollesse et de grâce. Malheureusement, la partie dramatique du poème est beaucoup moins bien venue, et l’auteur, qui paraît y avoir manqué de souffle, n’a pas été trop bien servi par ses deux interprètes, Mlle Edith Ploux et M. Mazalbert.
Avec M. Broutin et son Veau d’or nous avons à faire à un vrai tempérament artistique et à une œuvre dont cette page au moins décèle une véritable valeur. Après une courte introduction vient un beau chœur en imitations : Nous avons gardé l’espérance, plein de couleur et de caractère ; puis une scène de révolte énergique et vigoureuse, et d’un beau sentiment dramatique. Le chœur de l’adoration du Veau d’or est aussi d’un bel effet. Des deux airs de danse qui suivent, le second est préférable au premier. Je passerai sur la scène de fureur de Moïse et sur l’arioso de Marie, pour louer comme il convient le chœur dans lequel les Hébreux implorent la pitié et le pardon de leur chef. Ce morceau donne bien l’expression d’une douleur intense, et il acquiert un accent très pathétique et d’un effet musical très puissant et très noble lorsque les trois voix de Moïse, d’Aaron et de Marie viennent se joindre aux masses chorales et former, avec le concours de l’orchestre, un ensemble d’un caractère émouvant.
L’invocation à l’Eternel, chantée par Moïse avec le chœur, est aussi une page très ample, très inspirée et style grandiose. En somme, cet épisode du Veau d’or est remarquable, et fait beaucoup d’honneur au talent de M. Broutin. J’ajouterai que les soli ont été dits à souhait par trois jeunes élèves du Conservatoire, Mlle Terestri, MM. Ibos et Delmas, qui ont su se faire justement applaudir.
L’exécution générale a d’ailleurs été très satisfaisante, grâce à M. Garcin, qui la dirigeait avec habileté, et à M. Jules Cohen, à qui incombaient les travaux préparatoires de la partie chorale.
Arthur Pougin.
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publication date : 15/10/23