Eden-Théâtre. Ali-Baba

Eden-Théâtre. – Ali-Baba, opéra-comique en trois actes et neuf tableaux, de MM. Albert Vanloo et William Busnach, musique de M. Charles Lecocq.

L’intéressant compte rendu que notre collaborateur, M. Louis Solvay [sic], nous a envoyé de Bruxelles au mois de novembre 1887, me dispensera, à mon vif contentement, de parler longuement de la dernière partition de M. Charles Lecocq. Tout comme La Fille de M^me Angot, Ali-Baba, en effet, a vu le jour dans la capitale belge ; mais si la première de ces opérettes a fait triomphalement le tour du monde, je crains bien que la dernière trouve plus de cailloux sur sa route, malgré le grand succès qu’elle avait trouvé chez nos voisins. Le livret suit presque pas à pas le conte connu des Mille et une Nuits, et le public de l’Eden parisien n’a pas semblé s’y intéresser bien fortement. La partition s’écoute, sans doute, mais reste toujours dans les sentiers trop battus de ce genre de composition musicale. Si la facture en est soignée, l’inspiration et la verve ne s’y manifestent pas assez franchement, et les quelques morceaux vraiment bien venus de la partition, comme le chœur des voleurs et la chanson du Bengali, n’ont pas suffi à contenter un public qui est resté, malgré tout, assez froid. Pris sans vert par l’impossibilité où il se trouvait de jouer le Mikado avant un mois d’ici, M. Renard a dû se rejeter sur cet Ali-Baba, qu’on pouvait monter très rapidement ; il a donc droit aux circonstances atténuantes. L’interprétation est excellente en ce qui concerne les deux principaux rôles : M. Morlet et M^lle Jeanne Thibault sont deux chanteurs charmants et de réel talent ; M. Gourdon est une amusante ganache, M^lle Arvyl une agréable personne et M. Désiré un ténorino poupard et bon enfant. Mais la salle de l’Eden est si mauvaise comme acoustique que la plupart de leurs effets demeurent en deçà de la rampe, et que la plus grande partie du dialogue reste lettre morte pour le public.

PAUL-ÉMILE CHEVALIER