Semaine théâtrale. La Jacquerie

SEMAINE THÉÂTRALE
LA JACQUERIE
Opéra en 4 actes de M. Édouard Blau et M^me Simone Arnaud, musique d'Édouard Lalo et de M. Arthur Coquard. Première représentation le 8 mars 1895, au théâtre de Monte-Carlo.

Naguère, M. Gunsbourg, le directeur du théâtre de Monte-Carlo, mettait à la scène, en peu de temps et avec succès, la Damnation de Faust et Hulda de César Franck, démontrant ainsi qu'il était inutile d'avoir un demi-million de subvention pour faire connaître de belles œuvres. M. Gunsbourg vient de donner à présent la Jacquerie, de Lalo et de M. Coquard, intelligemment montée et brillamment interprétée. Lalo avait laissé inachevés l'esquisse et le plan de cet ouvrage ; quelques pages seulement avaient été orchestrées par lui, et M. Coquard a été chargé par la famille du maître de le compléter, de le terminer. Sa collaboration est donc prépondérante. M. Coquard a des idées ; son orchestre est souple, coloré, intéressant ; son harmonie est moderne et son style très dramatique, très vivant, plein d'entrain. Mais son drame est coulé dans la forme classique de l'opéra français, et ceci forcément par la coupe même du livret, un mélodrame romanesque, où la sauvage épopée de la Jacquerie se trouve traversée d'une histoire d'amour entre un serf et une jeune châtelaine.

[Synopsis]

Le deuxième acte est tout à fait beau et l'effet en a été très puissant. C'est traité avec un art véritable. Les exhortations farouches de Robert, les plaintes irritées du peuple, la prière à la Vierge, tout cela est d'une grande beauté et d'une rare élévation. Le troisième et le quatrième actes ne sont pas moins dramatiques. La révolte et ses fureurs sont dessinées avec véhémence et puissance. M. Coquard a particulièrement bien tracé le rôle de Guillaume, dont M. Bouvet a fait une création remarquable. M^me Deschamps, M^lle Loventz, tout à fait charmante, M. Gérôme se dépensent sans compter. – À la tète de l'orchestre est M. Jéhin, un artiste de tout premier ordre. Les décors sont agréables, la mise en scène habilement réglée. — Je ne mets pas en doute que la partition de M. Coquard ne soit avant peu présentée au public parisien.

I. Philipp.