Le Dilettante d’Avignon d’Halévy
Opéra-Comique.
Première représentation du Dilettante d’Avignon, opéra-comique en un acte, de feu Hoffmann, musique de M. F. Halévy.
Je me suis toujours un peu méfié des œuvres posthumes, au théâtre surtout. Je me suis même demandé plusieurs fois si des héritiers, des amis, avaient le droit, lorsque l’auteur défunt n’en a pas exprimé la volonté bien positive, de soumettre ainsi à de nouvelles chances la réputation qu’il s’est acquise par les ouvrages représentés de son vivant. Un auteur est le premier juge, le juge souverain de ses productions, et qui sait s’il n’a pas condamné celle que vous allez imprudemment mettre au jour ? L’événement a trop souvent justifié mes pressentiments ; cependant, comme toutes les règles, celle-ci a ses exceptions : à quelques mois de distance nous avons vu tomber au Théâtre-Français l’Ami Clermont, et réussir à l’Opéra-Comique, Edmond et Caroline, deux ouvrages posthumes de Marsollier.
Quelle application ferons-nous maintenant de ces considérations générales au Dilettante d’Avignon, représenté samedi sur le théâtre royal de l’Opéra-Comique ? Il y aurait rigueur à dire qu’un intermède musical (car c’est le véritable titre qui convienne à l’ouvrage), pût dans aucun cas influer sur l’opinion que le public conservera d’un des plus ingénieux critiques du dix-huitième siècle, de l’auteur spirituel du Roman d’une heure, et des Rendez-vous bourgeois. Hâtons-nous d’ajouter que dans plusieurs détails on a reconnu sa touche fine et délicate, sa franche gaîté.
Le Dilettante n’est pas susceptible d’une longue analyse. L’intrigue, si intrigue il y a, est celle de La Mélomanie. [Résumé de l’intrigue].
On voit que dans un ouvrage de cette nature, la musique est tout. Aussi n’avons nous pas même parlé d’un second auteur nommé comme ayant mis la dernière main à la pièce d’Hoffmann. M. Léon Halévy a, comme littérateur, des titres trop réels à l’estime publique pour que sa coopération ait pu avoir dans cette circonstance d’autre but que de préparer un nouveau triomphe à M. F. Halévy, son frère, déjà connu par la partition de l’opéra Clari. Ce triomphe n’a pas été un instant douteux. Plusieurs airs et morceaux d’ensemble ont enlevé tous les suffrages. Nous citerons particulièrement celui : Vive, vive l’Italie ! qu’on a redemandé d’une commune voix et qui nous paraît destiné à jouir d’une vogue populaire.
Les acteurs méritent tous des éloges. Fargueil a joué de verve le rôle de Casanova. Ce rôle, et celui du constable dans les Deux Nuits, montrent le parti qu’on peut tirer de ce comédien. Ponchard a bien chanté, et Mme Casimir divinement. Boulard et Belnie ont de nouveau prouvé qu’il n’y a pas de petits rôles pour le véritable talent. Nous avons gardé Mlle Monsel pour la dernière, parce que le peu de temps qu’elle a eu pour se préparer au rôle répudié par Mme Rigault, lui donne droit à une mention particulière. Cette jeune cantatrice, dont les heureux débuts ont fait naître les plus légitimes espérances, mais à laquelle nous n’avons cessé depuis de donner des conseils quelquefois sévères, vient de montrer qu’en profitant des uns elle saura justifier les autres. La manière dont elle a chanté et joué le rôle de Marinette lui assure un rang distingué sur notre seconde scène lyrique.
F. D***
PS : Une indisposition de Mme Casimir, pour laquelle elle avait fait réclamer samedi l’indulgence du public (et que sans cela on n’eût pas soupçonnée), retarde de quelques jours la deuxième représentation du Dilettante.
Related persons
Related works
Le Dilettante d’Avignon
Fromental HALÉVY
/Ludovic HALÉVY
Permalink
publication date : 15/09/23