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Spectacles. Les Abencérages

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Spectacles. — Académie impériale de Musique. – Le journaliste qui a conservé la dignité de ses fonctions, qui s’est toujours fait, comme nous, un devoir de motiver les critiques, de garder le ton de décence qui convient également à l’auteur et au censeur, doit gémir de la manière un peu leste avec laquelle on rend quelquefois compte d’un ouvrage : la passion tient lieu de jugement, l’injure est substituée à la discussion.

J’ai promis, dans mon dernier article, de parler de la musique des Abencérages, et je m’acquitte d’autant plus volontiers de ma promesse, que l’examen de cette musique ne peut être qu’un triomphe pour son auteur. Je suis loin de partager l’opinion des personnes qui assimilant un grand opéra à un vaudeville ou à un opéra bouffon, ne l’estiment qu’en proportion des airs qu’ils retiennent ou répètent en sortant. Une telle manière d’apprécier un grand opéra me semble toujours étrange, et pour me servir d’une comparaison qui me paraît juste, c’est comparer la poésie épique à la poésie légère, et vouloir se souvenir aussi facilement d’une belle tirade de la Henriade que d’un couplet de vaudeville.

Les chœurs de l’opéra des Abencérages sont et devaient être la partie la plus brillante ; ils sont écrits d’une manière savante, riche d’harmonie ; lorsque les Abencérages et les Zégris se trouvent ensemble sur la scène, ils offrent une double expression bien distincte, et qui cependant, loin de nuire à l’effet principal, offre un tout satisfaisant. Le premier air chanté par Nourrit : Enfin j’ai ru naître l’aurore, est ravissant de mélodie ; l’expression en est douce et suave ; c’est bien un amant heureux qui voit naître le jour où tous ses vœux doivent être comblés. Une romance chantée par Éloi avec un rare talent, a été couverte d’applaudissemens. Le final du premier acte est superbe. Les Maures reprennent les armes et volent aux combats ; M. Chérubini a parfaitement saisi l’expression guerrière de cette situation, à laquelle viennent si naturellement se mêler les craintes de Noraïme.

Le second et le troisième actes offrent aussi de grandes beautés, et si je voulais citer tous les morceaux dignes d’une mention particulière, je pourrais appeler l’attention des lecteurs sur la presque-totalité de l’opéra. Cependant je ne puis me refuser au plaisir de citer encore un air chanté par Almanzor au second acte : C’en est fait, j’ai vu disparaître, et les adieux de Noraïme au tombeau de sa mère.

M. Chérubini me paraît avoir, dans cet ouvrage, dignement soutenu le nom de premier compositeur de l’Europe, que les plus célèbres musiciens se sont accordés à lui donner.

Les ballets sont de M. Gardel ; l’imagination de ce savant chorégraphe est inépuisable : lorsqu’on songe à la quantité de ses ouvrages, on croirait qu’après avoir autant travaillé, il devrait être impossible de produire encore, et cependant son dernier ballet est toujours celui qu’on préfère. La danse a prodigué toutes ses richesses, et présente réunis les talens de Vestris, Albert, Antonin ; Mesdames Gardel, qu’il faut toujours nommer la première ; Clotilde, Biggolini, Fanni Bias, etc. On a distingué, dans le grand nombre des jolis pas, celui qu’Albert danse avec mesdames Gardel et Biggolini, en s’accompagnant de la guitare ; la difficulté des pas qu’il exécute ne nuit ni à la mesure, ni à la précision de son jeu sur cet instrument.

J’ai dit que les décorations ont été exécutées sur les dessins de M. Isabey ; leur bel ensemble, joint à la fidélité des détails, prouve ce que I’on avait déjà dit de cet artiste : c’est que le vrai talent sait se plier à tout, et se montrer supérieur dans plusieurs genres.

Nourrit a joué le rôle d’Almanzor avec beaucoup d’intelligence et toute la chaleur désirable, mais il l’a chanté avec cette voix pure et flexible qui n’appartient qu’à lui.

Mme Branchu a été forcée, par une indisposition, de céder sou rôle à Mlle Himm, après la première représentation ; c’est faire de Mlle Hiinm un grand éloge que de dire qu’elle n’y a point excité de regrets. Dérivis est beau dans le rôle d’Alémar.

Somme totale, les Abencérages me paraissent réunir les diverses beautés que l’on doit rechercher dans un opéra ; des situations attachantes, une belle musique, des danses gracieuses et des décorations pittoresques.

B.

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Composer

Luigi CHERUBINI

(1760 - 1842)

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Les Abencérages ou L’Étendard de Grenade

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Étienne de JOUY

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