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Ariane de Massenet

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Il faut secouer cette hantise, chasser de sa pensée et d’un inimaginable « théâtre » la grande ombre de Richard Wagner, pour avoir le courage de commenter l’ultime exploit de notre Opéra subventionné. Livret, musique, mise en scène, on ne sait par quel bout commencer pour raconter l’inénarrable ou le falot : il y en aurait trop à dire et ça en vaut si peu la peine. Ce n’est pas que M. Mendès n’ait peut-être manifesté, dans cette Ariane, une conception de vrai poète et des velléités de psychologue, mais, selon sa coutume, il en gâcha la réalisation par une agaçante ou inane préciosité du discours, le chiqué de son vers parnassien et la mirobolance de sa rime. Il fut d’ailleurs incomparablement secondé par ses deux collaborateurs, en cet office inopiné de se ridiculiser soi-même. La musique inventée par M. Jules Massenet pour Ariane est d’une rare faiblesse, la plus terne, la plus monotone qui soit sortie de sa plume incontinente. L’inspiration commune ou de banalité mièvre, pauvre jusqu’à déconcerter, l’orchestre sourd ou criard, le métier même apparaissent indignes du passé d’un vétéran si réputé pour son adresse. Tout cela sonne comme un glas. Mais le compositeur ne se contenta point de n’aboutir ici qu’à une kyrielle assommante et têtue de « mélodies de Massenet » entrelardées de fracas insipides ou de pseudo-récitatifs pompiers, de traduire « la mélancolie d’Ariane » trahie par la sœur et l’époux qu’elle adore, en Valse lente à l’usage prémédité des tziganes de nos cafés ou restaurants de nuit, il réussit à galvauder de niaiserie sentimentale et trémoussante la plus heureuse intention du poète. C’était certes une jolie trouvaille de M. Mendès que cet émoi soudain de Perséphone en face « d’une vivante », son « délice », après si longtemps, exilée Reine chez les morts, de « pouvoir toucher la peau vive de ces mains de chair », puis son ravissement de respirer un peu de vie dans le parfum des fleurs apportées par Ariane. Par malheur, juste à ce moment, on voit la souveraine des Enfers qui dégringole de son trône avec des gloussements de petite femme qu’on chatouille, pour se précipiter vers le souffleur et roucouler sa « romance des roses » à l’instar d’un Fragson implacable. Évidemment, ce beau bouquet lui fait plaisir, à la morose Perséphone. On n’en peut point douter, pas plus que se tenir de songer, sinon de fredonner in petto : « Ce sont les roses... qui l’ont charmée... » — Seulement, le charme est rompu par la bêtise, celui du moins qu’avait ici rêvé le dramaturge. Mais si, un peu partout, bien plus que des imperfections du poème, la tragédie pâtit d’analogues excès de zèle prodigués par un toujours jeune et trop ardent compositeur, c’est cependant de son metteur en scène que l’Ariane de M. Mendès a reçu les soins les plus redoutables. On ne peut guère imaginer spectacle plus ridicule, plus gauchement adapté aux exigences du texte, que les évolutions de tous les personnages, chanteurs, choristes ou figurants, au milieu de décors — et quels décors ! — qu’on croirait bien souvent élaborés et commandés sans avoir lu la pièce, rien que d’après la description qu’en fournit le livret au début de chaque acte. L’indifférence bien connue de notre Opéra pour les styles et les époques n’est pas moins féconde en rencontres ahurissantes que propice aux économies. On retrouvait dans Ariane maint costume cousu pour le Fils de l’Etoile : Thésée, Bar-Kokéba ou Julius Severus, Jérusalem, Athènes, le Minotaure et l’Empire romain, tout ça se ressemble tellement vu de loin par M. Gailhard, qui n’en est pas et qui n’en fut jamais à une douzaine de siècles près. Témoin encore ici, dans l’antique Naxos du mythe, un bas-relief alexandrin lequel, par surcroît, se transforme bientôt en carte-postale coloriée, puis en tableau vivant descendu d’un panneau de Natoire ou d’un paravent de Boucher. Mais il faut avoir vu « la galère » où s’aiment Ariane et Thésée, galère pontée s’il en fut, aux flancs béants percés de larges trous carrés pour les rameurs, avec les rideaux à coulisse, la portière en moquette et passementerie de la tente abritant des contemporains de Bacchus. Soustraite aux plus inéluctables lois de la physique élémentaire, affranchie du tangage autant que du roulis, inerte comme un roc et droite comme un pieu sous la tempête déchaînée, pour ne faire semblant de bouger que quand le temps s’est tout à hait remis au beau, cette insoupçonnable galère porta le coup de grâce à l’œuvre de M. Mendès. Le public de notre Opéra, blasé par l’habitude, est pétri d’indulgence à l’égard du local et de ses traditions guignolesques. Cette fois, ouvertement il rigola. Aujourd’hui comme hier en l’endroit, cependant, par insouciance ou distraction, il tolère aisément qu’on lui monte un bateau. Mais M. Gailhard exagère.

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Composer, Pianist

Jules MASSENET

(1842 - 1912)

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