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Musiques. Déjanire

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MUSIQUES
DEJANIRE[1]

Le nouveau drame lyrique du maître Saint-Saëns fut, on s’en souvient, représenté à Béziers, pour l’inauguration des Arènes, en août 1898, puis la même année à l’Odéon, sous la forme d’une tragédie en quatre actes, en prose rythmée, de M. Louis Gallet. L’action de cette version est restée intacte, et l’illustre compositeur, en transformant cette tragédie en un opéra, a même respecté, autant que les exigences de la musique le lui permettaient, le texte poétique original.

Déjanire, c’est le tragique dénouement de la vie d’Hercule. Après avoir tué le père d’Iole, le héros est devenu amoureux de celle-ci : il est résolu à l’épouser, encore qu’elle aime Philoctète et qu’elle s’en croie aimée. Mais Déjanire, jalouse de cette passion qui éloigne d’elle Hercule, est décidée à garder l’infidèle à tout prix ; elle se servira de la tunique que jadis lui remit le centaure Nessus. C’est par Iole elle-même que Déjanire fait remettre au héros, en cadeau nuptial, le fatal vêtement. Or ce manteau dont Déjanire espérait qu’il lui rendrait l’infidèle, dévore le héros de cruelles et mortelles brûlures. Hercule alors se précipite dans le bûcher, termine son martyre, et dans une apothéose, prend place dans l’Olympe à côté de son père Jupiter.

Saint-Saëns, en modifiant la tragédie, n’a point sacrifié l’importante partie musicale qu’il avait écrite déjà, et qui constituait une partition de quinze numéros que nous avons entendue, après Béziers et l’Odéon, aux Concerts Colonne. Il l’a non seulement conservée, mais utilisée ; il l’a développée dans le mouvement général de sa partition. Il a apporté à ce travail la souplesse merveilleuse, l’art indiscutable, qui ont fait de lui un des grands compositeurs français, et sans l’impression considérable que son œuvre avait produite il y a douze ans, on aurait grand peine à en retrouver les traces dans l’ingénieux remaniement qu’il en a fait. II semble que, si elle n’est point sans une sorte de filiation avec certains ouvrages du maître, par exemple son poème symphonique la Jeunesse d’Hercule, cette nouvelle œuvre marque chez Saint-Saëns une tendance différente, et une volonté de se rapprocher des chefs-d’œuvre de forme classique. Sans qu’il soit revenu à la coupe régulière d’autrefois, dont sa liberté et sa verve se gêneraient, il n’a pas hésité à employer le moyen des motifs caractéristiques et celui du thème conducteur dévolu à chaque personnage. Il n’y a pas à souligner la tenue, la dignité de style, la sécurité de technique, avec lesquelles un tel maître utilise ces procédés. Il y a peu de musiciens en France et même ailleurs, capables d’une si haute justesse d’expression et d’un si puissant intérêt orchestral. 

Tout, d’ailleurs, a contribué au triomphe de l’œuvre : la beauté des décors, les splendeurs de la mise en scène, les qualités de l’exécution musicale et la valeur de l’interprétation. Déjanire, c’est l’admirable Félia Litvinne une si pure, une si grande artiste qu’il n’était point possible au maître Saint-Saëns d’en obtenir une équivalente ; jamais sa voix ne fut plus belle, plus savante ni plus généreuse. Hercule, c’est M. Muratore, dont la fougue juvénile et l’organe chaleureux convenaient à merveille à ce personnage. Mlle Dubel fut une Iole touchante et pathétique. Mlle Germaine Bailac a chanté avec talent le rôle difficile de l’enchanteresse Phénice, et M. Dangès s’est montré, à son ordinaire, chanteur intelligent et sobre dans Philoctète.

On sait avec quels soins sont composés l’orchestre et les chœurs de l’opéra de Monte-Carlo. M. Léon Jéhin les dirigea avec autorité. Ils ont contribué magnifiquement à l’éclat de cette soirée.

Le maître Camille Saint-Saëns a été, à plusieurs reprises, longuement acclamé, et l’enthousiasme du public a fait aux interprètes et au musicien le plus éclatant succès.

RAMEAU.

[1] Tragédie lyrique en quatre actes, représentée pour la première fois à Monte-Carlo le 14 mars 1911, poème de M. Louis Gallet, musique de M. Camille Saint-Saëns.

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Composer, Organist, Pianist, Journalist

Camille SAINT-SAËNS

(1835 - 1921)

Soprano

Yvonne DUBEL

(1881 - 1958)

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