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Roma de Massenet

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ROMA[1].

Il y a juste deux mois, je rendais compte ici même du nouvel ouvrage de M. Massenet, Roma, que venait de représenter l’Opéra de Monte-Carlo. Je ne trouve rien à ajouter à mes impressions premières et je suis convaincu que Roma prendra place à côté du Cid à cause de ses inspirations héroïques, à cause de ses recherches de forces théâtrales. L’illustre compositeur ainsi que je le disais au mois de février dernier, après avoir charmé surtout ses auditoires, par les diverses expressions de l’amour, a voulu magnifier des personnages qui présentent une gravité, une austérité particulière. On se rappelle que Roma – honnête ouvrage – d’Alexandre Parodi, représenté en 1875 à la Comédie-Française, — montre les Romains en lutte avec Hannibal. Paul-Emile et Varron sont morts et Lentulus est seul survivant d’une innombrable armée. Pour subir un pareil désastre, Rome a certainement mérité la colère des Dieux. Un crime monstrueux a été commis dans ses murailles ; mais quel crime ? L’Oracle consulté répond : « La Louve vaincra le Lion africain quand le feu de Vesta brillera d’une nouvelle et pure flamme sur l’autel que profana le feu de Vénus ». Ainsi c’est une des prêtresses du temple qui est la coupable. Cette prêtresse doit être immolée à la vengeance du Ciel. Le Grand Prêtre réunit alors les vestales ; il les interroge, et, employant un stratagème dont l’usage ancien et fréquent prouve l’excellence, il leur annonce que Lentulus est mort avec Varron et Paul-Emile. Et la vestale Fausta se trahit : elle s’évanouit. C’est elle qui aime Lentulus, c’est elle qui a profané l’autel : elle périra, et son supplice apaisera les Dieux.

Fausta est prête à mourir. Elle revoit Lentulus, et le désespoir et la passion des deux amants éclatent en longs cris tragiques. Un esclave gaulois, Vestapor, offre bien à Fausta et à Lentulus de fuir par un souterrain dont il connaît seul le secret. Mais la liberté c’est la condamnation de la Patrie. Aussi, touchée par le remords, et malgré la légitime horreur que lui inspire le châtiment suprême, – la vestale doit être ensevelie vivante, – Fausta se livre aux bourreaux. Alors, l’aïeule Posthunia et Fabius, l’oncle de Fausta se concertent pour épargner à leur enfant une atroce agonie. Posthunia aveugle se fait conduire auprès de Fausta, elle cherche elle-même la place où bat le cœur de la victime et elle y plonge le poignard que Fabius lui a donné. Fausta tombe morte ; et aussitôt des chants d’allégresse retentissent ; des fanfares guerrières remplissent les airs ; et le consul Scipion paraît, entouré de ses légionnaires. Les Dieux, réconciliés avec Rome, lui ont rendu la victoire. Une foule, ivre de joie annonce la défaite d’Hannibal en chantant le double triomphe de Rome et de Vesta.

La partition de M. Massenet a été accueillie, par le public de l’Opéra, avec la même faveur que lui avait montré l’auditoire de Monte-Carlo. Les chœurs de lamentation du premier acte ; le récit de la jeune vestale qui se croit coupable pour avoir seulement rêvé d’amour ; l’andante pour flûte qui sert de début au troisième acte et qui accompagne ensuite l’air de Lentulus ; le duo de Fausta et Lentulus qui devient trio par l’intervention de Vestapor ; la scène du Sénat ; le dernier tableau avec ses accents sinistres et ses éclats victorieux, ont produit l’effet voulu par le compositeur.

L’interprétation est la même qu’à Monte-Carlo, du moins dans ses éléments essentiels. Dans le rôle de Fausta, Mme Kousnetzoff a fait chaleureusement applaudir sa voix brillante et souple, et son charme et sa grâce personnels. On ne saurait imaginer une vestale plus belle et plus touchante que la Fausta personnifiée par cette très remarquable artiste. Mlle Lucy Arbell, drapée de gaze grise, tient le rôle de l’aïeule et il convient de la complimenter encore de son expression vocale et de son geste tragique. Mlle Campredon chante, avec l’accent le plus juste, le récit de la vestale innocente ; ce récit que Mme Cain-Guiraudon nous avait chanté avec une voix adorable et avec une maîtrise idéale ; Mlle Le Senne donne beaucoup d’autorité au rôle trop court qui lui est confié. MM. Muratore, Delmas et Noté, dans les rôles qu’ils ont créés à Monte-Carlo, sont, le premier, éperdu d’amour et de patriotisme, et chanteur émérite ; le second, majestueux et civique jusque dans sa douleur paternelle ; le troisième, rude et farouche. M. Journet est un très digne souverain Pontife. Enfin, M. Vidal a dirigé l’orchestre et les chœurs avec sa sûreté habituelle.

La direction de l’Opéra a monté Roma avec des soins tout particuliers ; les décors sont fort beaux, surtout celui du Sénat romain et celui du Champ Sélérat illuminé de lueurs tragiques. […]

RAMEAU.

[1] Opéra : Roma, tragédie musicale en quatre actes de M. Massenet ; poème de M. Henri Cain, d’après la tragédie de Parodi. Distribution : Mlles Kousnetzotf, Lucy Arbell, Campredon, Le Senne, Courbières ; MM. Muratore, Delmas, Noté, Journet. 1re représentation le 24 avril 1912.

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Composer, Pianist

Jules MASSENET

(1842 - 1912)

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