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Cendrillon d’Isouard

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LES PREMIÈRES REPRÉSENTATIONS

Opéra-Comique : Cendrillon, opéra comique en trois actes et quatre tableaux, paroles d’Etienne, musique de Nicolo.

Ce n’est pas seulement de Peau d’âne qu’on peut dire qu’à l’entendre conter on prendrait un plaisir extrême, c’est de tous les contes de Perrault :

Si Cendrillon m’était conté

J’y prendrais un plaisir extrême !

Oui, certes, car Cendrillon, c’est un des premiers amours de notre enfance. Comme sa pantoufle de verre, – ou de vair, – nous a fait rêver ! comme son fameux carrosse nous a fait sourire ! Nous ne pouvions voir une modeste citrouille sans nous dire : « Ah ! si les fées étaient encore vivantes, comme elles feraient de cela la plus somptueuse des voitures ! » Mais les fées n’existent plus ; il faut en prendre son parti.

On a banni les lutins et les fées !

s’écriait Voltaire avec douleur.

Fort heureusement, Cendrillon n’est pas exilée et, tout au contraire, elle existe toujours. On en a fait des féeries, des opéras et des exhibitions au Cirque. Il y aura soixante-sept ans, le 22 février prochains Etienne et Nicolo Isouard en firent bel et bien un opéra comique. Rossini devait en faire, lui, dix-sept ans plus tard, un opéra semi-seria, comme on disait, la Cenerentola. C’est l’opéra de Nicolo que l’Opéra-Comique vient de reprendre, un de ces bons vieux opéras, pleins de romances et d’ariettes qui ont charmé nos pères, et dont nos grand’mères nous chantaient les couplets demeurés légendaires :

Attentive, obéissante

Je sers toute la maison

Et je suis votre servante,

La petite Cendrillon !

Cet opéra de Nicolo avait été arrangé ou plutôt dérangé en 1845 par Adolphe Adam, qui mit çà et là des cuivres, et grossit le ton au premier musicien. On a bien fait de nous rendre le Nicolo dans sa naïveté première.

Etienne, en mettant en scène les aventures du baron de Montefiascone et de ses deux filles. Clorinde et Tisbé, a tout à lait respecté le conte de Perrault. Tout s’y retrouve, et le carrosse et la pantoufle. Le sot Dandini et le prince Ramir y jouent les rôles du prince des contes de fées, et la musique même, douce et mélancolique comme un son de musette au coucher du soleil, nous reporte au temps des bons vieux récits de Ma mère l’Oie.

Nous avons entendu avec un plaisir infini, presque attendri, comme on écouterait une ronde enfantine du temps jadis, la romance demeurée célèbre :

Je suis modeste et soumise

Le monde me voit fort peu.

Et ce charmant trio féminin

Vous l’épouserez

Oui, vous l’aimerez.

Le reste, comme on l’a dit, est médiocre. Cela ne vaut certes pas Joconde. Mais M. Théodore de Lajarte a fort intelligemment enjolivé et agrémenté la musique de Nicolo d’un ballet adapté sur des vieux airs et qui sont tout à fait agréables à entendre. Ce divertissement, qui fait grand honneur au goût de M. de Lajarte – un musicien érudit –, prend pour titre les Saisons, et il est fort bien dansé par Mlle Dorel et Laurençon.

Ce furent Mmes Lemonnier, Duret et Saint-Aubin, des célébrités de 1810, qui créèrent les rôles de femmes. Sainte-Foy a joué plus tard le rôle de Dandini, le sénéchal. Et Mme Casimir, qui a si longtemps représenté les Nègres, a chanté Cendrillon en 1845.

Aujourd’hui le rôle du prince Ramir est tenu par Nicot, celui de Dandini par Legrand, et c’est Mlle Julia Potel qui joue Cendrillon. Elle y a été tort applaudie à côté de Mlles Chevalier et Duvernoy.

C’est là un ensemble aimable, à la fois séduisant et modeste, comme la musique même de Nicolo.

On a beaucoup applaudi M. Nicot chantant la romance du second acte, et l’accueil fait à Mlle Potel a été très chaud. Mlle Potel est une toute jeune fille, blonde, mince, la voix un peu faible encore, mais chantant avec sentiment, phrasant bien et tout à fait sympathique. Elle a ravi le public dès son entrée. Elle a aussi fort gracieusement esquissé le pas de danse de Cendrillon.

Mais l’attrait de la soirée, c’est le ballet, – un ballet Louis XIV réglé par un véritable artiste, quelque chose de piquant et de pittoresque, qui vous transporte au temps où le violon de Lulli faisait danser le grand siècle.

Chose étrange : tout à l’heure, en écoutant la musique de Nicolo, il nous semblait revoir le public de 1810, ce public de beaux colonels et de jolies femmes aux épaules nues applaudissant aux romans où gloires, victoires, appâts, combats riment ensemble.

Avec cette musique de Lulli, c’est Louis XIV, les pastorales de Mélicerte, les fêtes de Vaux, tout ce passé majestueux et naïvement solennel qui nous est réapparu.

Ce ballet seul vaudrait la peine qu’on allât voir et applaudir Cendrillon.

JULES CLARETIE.

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Composer, Editor

Nicolò ISOUARD

(1773 - 1818)

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Cendrillon

Nicolò ISOUARD

/

Charles-Guillaume ÉTIENNE

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publication date : 18/09/23