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Le Voyage dans la lune d’Offenbach

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THÉÂTRES

Gaité. – Le Voyage dans la Lune, opéra-bouffe en quatre actes et vingt-trois tableaux, de MM. Leterrier, Vanloo et Mortier, musique de M. J. Offenbach.

Voici enfin, après bien des vicissitudes, ce fameux Voyage dans la Lune, pour lequel le jeune directeur de la Gaîté s’est lancé en des prodigalités fructueuses. Il a semé pour récolter et la récolte sera abondante.

Nous ne promènerons pas le lecteur de tableau en tableau, c’est-à-dire de merveille en merveille. Pour ces sortes de pièces, on ne raconte que le point de départ, on ne peut suivre dans un froid récit les personnages à travers les pays féeriques qu’ils traversent. 

Cette fois, ce n’est pas par le pouvoir magique d’une fée que le spectateur se trouve transporté dans un monde imaginaire. C’est par la puissance d’un coup de canon. Quel coup de canon ! 

Or, le prince Caprice, bien nommé, car jamais jolie femme ne fut plus fantaisiste et plus volontaire, le prince Caprice qui a tout vu sur la terre, qui a joui de tout, qui n’est plus sensible à aucun plaisir, à aucun honneur, qui refuse même la couronne dont son royal père veut ceindre prématurément son jeune front, en abdiquant en sa faveur, le prince Caprice s’avise un beau jour de vouloir aller dans la lune. Peut-être son esprit et son cœur blasés auront-ils dans ce monde inconnu un sourire ou une émotion.

Mais aucun chemin de fer ne mène à la lune et les tramways ne correspondent pas encore avec cette planète.

La science du vieux Microscope, le fidèle conseiller du roi V’lan et du prince Caprice, supplée à l’absence d’un talisman de fée, et, au moyen d’un immense canon, long de je ne sais combien de kilomètres, et d’une projection en rapport avec sa dimension, Caprice, son auguste père et Microscope sont lancés de la terre à la lune. Ils entrent dans la culasse du canon, les artilleurs mettent le feu à la poudre, une formidable détonation se fait entendre et le voyage est accompli.

Tel est le prologue, prologue plein de splendeurs et contenant un décor admirable, le haut fourneau, dans lequel on fabrique le canon auprès duquel ceux du trop célèbre Krupp ne sont que des jouets d’enfants.

La lune est habitée, et quelle n’est pas aussi la surprise de ses indigènes en apprenant que la terre l’est également.

Singulier pays que ce pays-là Les citoyens ne se déchirent pas entre eux, et tous concourent au bien général. On respecte le souverain, les fonctionnaires, tous intègres, jettent le fruit de leurs économies dans les caisses de l’État.

Dans un autre ordre d’idées, quelle différence encore avec ce qu’on voit sur notre pauvre terre ! On ne connaît pas l’amour, et les habitants sont, sur certain point, ignorants comme Agnès.

Si l’astre qui brille au firmament et qui se reflète dans l’onde offre des distractions au jeune héritier du roi V’lan, le séjour de ce prince dans cet astre est marqué aussi par quelques ennuis, et ce n’est pas sans satisfaction qu’après avoir été descendu de force dans le cratère d’un volcan et assisté à une terrible et menaçante éruption, il aperçoit la terre. 

Ce voyage semble un peu long on reste trop longtemps à certaines stations, mais les temps d’arrêt sont indispensables. Il faut du « remplissage, » souvent plaqué après le premier jet, pour laisser aux machinistes le temps de préparer les splendeurs des Chéret, des Fromont et des Cornil. Et puis, tout se tassera, et les acteurs, déjà fort amusants, ont un excellent cadre à leurs facéties. Rapportez-vous-en pour cela au boute en train incarné Christian et à Grivot, qui a fait de Microscope une caricature des plus plaisantes. Bien des scènes sont d’un très bon esprit, surtout celles qui peignent les mœurs des habitants de la lune. 

Nous ne citerons pas, faute de place, tous les décors qui mériteraient une description, tout au moins une mention, ni tous les jolis airs de la partition d’Offenbach, mais nous ne pouvons passer sous silence le ballet très réussi des Flocons de neige

Mlle Marcus, qui débute dans le rôle de Fantasia, possède une jolie voix qu’elle dirige avec goût ; elle a été très applaudie. Quant à Mlle Zulma Bouffar, ce n’est pas un succès qu’elle a remporté, c’est un triomphe. Dans le prince Caprice, comme comédienne, comme chanteuse et comme femme, elle est charmante, charmante, charmante. 

Émile Abraham

 

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Composer, Cellist

Jacques OFFENBACH

(1819 - 1880)

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