Skip to main content

Déjanire de Saint-Saëns

Category(ies):
Publisher / Journal:
Publication date:

Premières Représentations

OPÉRA, Déjanire, drame lyrique de Louis Gallet, musique de M. Camille Saint-Saëns. 

C’est dans l’après-midi du 28 août 1898, dans les arènes de Béziers, par un soleil ardent, que Déjanire fut représentée sous sa première forme. Le cadre se prêtait à merveille à cette résurrection de la fable antique la lumière brillait, transparente et claire. Deux cents choristes lançaient à travers l’espace les belles phrases du compositeur ; soixante danseuses concouraient au divertissement. La largeur de la scène permit à Déjanire d’y arriver sur un char à deux chevaux qu’elle fouettait avec énergie, et c’est au soleil lui-même, qui dardait ses rayons sur l’assistance innombrable, non pas à un soleil peint qu’Hercule lançait sa suprême évocation. Le souvenir de cette représentation, où, porté sur le théâtre par ses interprètes, le compositeur fut acclamé par une foule enthousiaste, demeure dans la mémoire de tous ceux qui y assistèrent. 

Quelques mois après, M. Paul Ginisty, directeur de l’Odéon, faisait connaître aux Parisiens l’œuvre qui avait ravi les spectateurs biterrois. Les principaux rôles étaient tenus par Mme S.-Weber (Déjanire), Cora Laparcerie (Iole) et M. Dorival (Hercule), M. Valmont (Philoctète) L’orchestre, placé sous la direction d’Édouard Colonne (aujourd’hui disparu), exécuta la partie musicale de l’ouvrage. Le Président de la République assistait à la représentation pendant un des entr’actes le ministre de l’Instruction publique présenta M. Saint-Saëns au Président Félix Faure, qui lui adressa ses plus vives félicitations. 

La tragédie accompagnée d’une musique de scène, est devenue un véritable drame lyrique. M. Saint-Saëns qui est poète à ses heures, a lui-même approprié l’ouvrage à sa nouvelle destination et c’est dans cette nouvelle version qu’il nous a été présenté hier soir, à l’Académie nationale de musique.

Le sujet est emprunté aux Trachiniennes de Sophocle. 

Hercule a vaincu et tué de sa propre main le roi Eurytos : il s’est épris de la fille du souverain disparu, la tendre Iole. La jeune princesse, qui aime Philoctète, le compagnon et l’ami d’Hercule, repousse l’amour du vainqueur. Déjanire, l’épouse du héros, tente vainement de le reconquérir. Hercule lui ordonne de s’éloigner. Il fait connaître à Iole son projet de l’épouser ; épouvantée, la jeune fille trahit ses véritables sentiments. Furieux, Hercule fait arrêter son ami.

Phènice, la suivante de Déjanire, offre à sa maîtresse un philtre qui lui rendra l’amour d’Hercule. Déjanire possède déjà un talisman la tunique du centaure Nessus, tué par Hercule, et qui doit faire revivre chez l’infidèle l’amour ancien, quand il la revêtira. Iole tente en vain d’apaiser celui que sa beauté affole. Hercule répond en menaçant de mettre à mort Philoctète ; désespérée, la jeune fille se sacrifiera. Déjanire n’a point, cependant, perdu tout espoir : elle obtient d’Iole qu’elle présentera à Hercule, pour qu’il la revête, la tunique dont elle attend sa vengeance. 

Devant le temple de Jupiter, le peuple célèbre les fiançailles d’Hercule avec Iole. Celle-ci déclare au héros qu’en échange de ses cadeaux elle ne peut lui offrir pour tout présent qu’une robe d’un tissu rare. Tandis que les danses évoluent autour de l’autel, où se sont accomplis les sacrifices, Hercule va endosser la tunique. À peine s’est-il paré du vêtement qu’il pousse des hurlements de douleur, que lui arrache une violente torture. « Ô Jupiter, mon père, s’écrie-t-il, délivre-moi ! Que le feu me délivre du feu ! » En même temps, il s’élance sur le bûcher nuptial. Le ciel s’assombrit ; la foudre éclate et embrase le bûcher. Le héros meurt. Mais bientôt la fumée se dissipe, laissant apparaître Hercule, transfiguré, dans le ciel, au milieu des dieux.

De même qu’il étendait le poème, M. Saint – Saëns a développé la musique de scène qui l’accompagnait primitivement : nous sommes maintenant en présence d’une partition complète, où nous trouvons toutes les rares qualités du maître, la noblesse du style, la pureté des lignes, la science consommée, l’inspiration mélodique. Tout en conservant sa propre originalité, le compositeur se rallie aux maîtres de l’art classique, et, comme l’écrivait l’un de ses émules, l’éminent M. Gabriel Fauré, « Déjanire est une page de plus à l’actif d’un très grand artiste ». 

L’interprétation est digne de l’ouvrage. Mme Félia Litvinne, qui personnifie Déjanire, déploie à l’aise dans la vaste salle de l’Opéra sa voix ample et forte. Mlle Yvonne Gall se montre gracieuse et poétique dans le rôle d’Iote. M. Muratore, ténor à la voix solide a composé le rôle d’Hercule avec une intelligence remarquable. Il faut associer au grand succès de ces trois interprètes M. Dangès (Philoctète) et Mlle Charny (Phénice). L’orchestre, sous la direction de M Messager, a contribué pour sa part au succès de cette belle représentation, tout à l’honneur de l’école musicale française. […]

Adolphe ADERER. 

Related persons

Composer, Organist, Pianist, Journalist

Camille SAINT-SAËNS

(1835 - 1921)

Related works

Déjanire

Camille SAINT-SAËNS

/

Louis GALLET Camille SAINT-SAËNS

Permalink