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Opéra. Roma

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OPÉRA. – Roma, opéra tragique en cinq actes, de M. Henri Cain, d’après Alex. Parodi, musique de M. Massenet.

Pour ceux – et ils seront nombreux sans doute – qui ne se souviendront pas de la Rome Vaincue, d’Alex. Parodi, d’où M. Cain a tiré le livret de Roma, il nous faut rappeler brièvement le sujet de la nouvelle œuvre que vient de représenter le théâtre national de l’Opéra.

À Rome le peuple se lamente. Les troupes romaines subissent désastres sur désastres. Annibal poursuit, vers la ville aux Sept Collines, une marche triomphale. C’est qu’un sacrilège a été commis. Une vestale a manqué à son serment de virginité. Que la coupable expie son crime, et la patrie sera sauvée. Et le drame se déroule sobre et émouvant. Le pontife Fabius découvre que la coupable est sa propre nièce Fausta. Malgré sa douleur, il la livrera. Mais le guerrier Lentulus, l’amant de Fausta, incite la jeune fille à fuir. Elle cède à ses instances, mais bientôt elle se repent et vient se dénoncer elle-même au Sénat. Malgré les prières de son aïeule Posthumia, aveugle, le Sénat la condamne à la mort atroce : à être enterrée vivante suivant le rite. Et Posthumia, pour épargner ce supplice à sa petite fille, trouve la force, malgré sa cécité, de la tuer d’un coup de poignard.

Telle est la tragédie, sombre et hautaine, que M. Massenet s’est proposé d’agrémenter d’une partition importante. Il a voulu conserver à sa musique les traits de pureté et de simplicité classiques du texte. Il a écarté, en presque toutes ses parties, les fioritures ou les grâces mièvres et tendres, qui lui furent si souvent habituelles. Les personnages emploient le plus fréquemment une sorte de déclamation chantée, des récitatifs soutenus par des accords pleins et simples de l’orchestre. Les chœurs sont vigoureux et larges, sans fugues savantes ou contre-points recherchés. Les leit-molifs sont rares, mais s’affirment dès leur apparition par leur netteté sans apprêt, parfois même un peu vulgaire, comme l’hymne à Vesta. En somme, le souci constant de M. Massenet apparaît bien net. Il a construit sa partition dans l’ordonnance froide et pure, régulière et franche, d’un temple grec de la belle époque aux colonnes droites et imposantes.

On s’est extasié sur cette transformation de la manière de M. Massenet. On a eu raison, car il est toujours louable de voir un artiste poursuivre un plan tracé dès l’avance avec sûreté, et par souci d’œuvre d’art, abandonner tout ce qui fut sa gloire antérieure pour tenter l’essai d’une nouvelle formule. Mais, ce n’est pas ce qui constitue le plus vif étonnement que nous ayons éprouvé à l’audition de Roma. Il a dû être, en effet, assez facile au compositeur qu’est M. Massenet de réduire sa partition à l’ordonnance classique. Ce qui étonne au contraire c’est de le retrouver au cours de son troisième acte – le bois sacré – aussi jeune, aussi semblable à lui-même.

L’air d’entrée de Lentulus, le duo avec Fausta sont d’une veine, qui rappelle étroitement Werther par exemple. Il y court la même tendresse, la même grâce émue et séduisante, la même caresse. Et j’avoue, pour ma part, préférer ce rappel de l’ancien Massenet, aux quatre actes, où se développe sa nouvelle conception musicale, qui, par son caractère même, ne va pas sans quelque froideur et monotonie.

Car il est devenu de règle aujourd’hui de vouer les œuvres de M. Massenet, Manon, Werther, Marie-Madeleine, à l’exécration des connaisseurs. C’est là un emballement ridicule et injuste. On peut admettre toutes les hardiesses modernes, sans pour cela être obligé de rejeter dédaigneusement tout ce qui fut avant. Et il est incontestable que Massenet a été un grand moment de la musique française. Il a, d’ailleurs, même parmi les plus intransigeants, des élèves inconscients qui, malgré eux, font parfois « du Massenet », et c’est parfois ce qu’il y a de mieux dans leurs productions.

L’Opéra a très bien habillé Roma. Les décors sont soignés et la mise en scène raisonnable, ce qui est rare. Un ensemble seul est assez désagréable à l’œil : celui du Sénat, où les gradins sont du même blanc que les robes des sénateurs et que la tunique de Fausta, ce qui rend assez indistinctes et pénibles à suivre les évolutions des personnages. M. Antoine, dans Jules-César, avait su éviter cet écueil.

L’interprétation est éclatante avec MM. Muratore, Delmas et Mlle Kousnezoff, qui est le plus clair métal de soprano dramatique que nous possédions en ce moment ; remarquable avec M. Noté, et Mme Le Senne, charmante avec Mlle Campredon. Mlle Lucy Arbell arrivera peu à peu à comprendre qu’elle serait une très belle tragédienne et Mlle Courbières a dit très bien les quelques phrases de Galla.

Paul Abram.

[...]

LA CLAQUETTE.

On sait que la claque officielle a été supprimée à l’Opéra. Mais cela n’empêche pas les claqueurs d’assister à toutes les représentations de notre première scène lyrique. Seulement, au lieu de recevoir leurs mots d’ordre de la direction, ils sont là pour soutenir tel ou tel interprète.

C’est ainsi que le soir de la générale de Roma ! – le fait est absolument authentique – quelques habits noirs, disséminés au parterre, avaient pour mission de soutenir les efforts de Mlle Lucy Arbell et de M. Noté. Des Romains, un soir de répétition générale, cela peut surprendre... Il est vrai qu’on donnait Roma !...

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Composer, Pianist

Jules MASSENET

(1842 - 1912)

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Jules MASSENET

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