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La Princesse jaune de Saint-Saëns

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Opéra Comique. – la Princesse Jaune, opéra-comique en un acte, paroles de M. Jallais [sic] musique de M. Saint-Saëns.

M. Saint Saëns a donné l’autre semaine sa première œuvre, la Princesse Jaune, à L’Opéra-Comique. Il est loin d’avoir complètement réussi.

La musique de M. Saint-Saëns est prétentieuse et inusitée. L’idée mélodique y est rare, pour ainsi dire absente. Sa méthode, d’ailleurs, est celle que semblent adopter tous nos jeunes compositeurs, nos derniers prix de Rome.

Au lieu de rester dans la vraie tradition de la musique française, au lieu, lorsqu’ils composent des œuvres légères, de n’user de l’orchestration que comme soutien du chant, ils demandent tous leurs effets à l’instrumentation : ils tiennent surtout à se montrer savants et ne parviennent souvent qu’à être ennuyeux.

M. Saint-Saëns nous paraît rentrer dans la catégorie de ces musiciens que M. Azevedo appelait avec grande raison : « l’école du civet sans lièvre ».

Les acceptes tendent, disons-nous, à remplacer la mélodie par la mélopée, au lieu de rechercher, comme tous les commençants devraient le faire, la mélodie simple, aux contours précis et nettement dessinés, soutenue par une instrumentation peu compliquée ; ils se lancent sans frein dans les combinaisons harmoniques les plus embrouillées et font de la symphonie, de la musique de chambre, au lieu d’opéra et de musique théâtrale. Se plaisant dans le vague, tout naturellement ils devaient suivre la voie indiquée par Félicien David, faire de l’orientalisme, genre où lui-même n’a pas toujours réussi.

Djamileh, de M. George Bizet, jouée il y a trois semaines, rentrait absolument dans le genre que nous indiquons. La Princesse jaune, en est, peur ainsi dire, le second acte.

Kornélis, savant allemand, est tellement absorbé par sa passion pour les choses japonaises, armes, potiches, etc.,. qu’il ne voit pas l’amour que sa cousine, la petite Léna a pour lui. Aussi Léna est cruellement jalouse d’une peinture qui représente une belle japonaise, morte il y a plusieurs siècles, Ming, la princesse jaune, jalouse, non sans raison d’ailleurs, car Kornélis en est vivement épris.

Il avale un breuvage pour arriver à la possession de l’objet aimé ; et tout, autour de lui, immédiatement, se transforme. Il est transporté en plein Japon, (Deux décors, d’ailleurs ; changement à vue rapide ; seulement, les indigènes qui se promènent au fond du théâtre se saluent à l’européenne.)

Léna arrive sur ces entrefaites. Dans le rêve de son cousin, elle est devenue Japonaise. Kornélis la prend pour la Princesse Jaune, lui fait une déclaration que Léna prend pour elle et qui la surprend fort. Mais comme il devient un peu trop pressant, elle se sauve. L’hallucination du savant cesse alors ; il se retrouve chez lui, dans sa maison et s’aperçoit que c’est à sa petite cousine qu’il a prodigué ses belles phrases. Son rêve, d’ailleurs, lui a révélé l’amour que Léna a pour lui ; ils s’épousent.

La musique que M. Saint-Saëns a écrite sur ce livret manque de relief. Les réminiscences fourmillent dans cette partition ; on y rencontre des phrases entières de M. Gounod. Le compositeur a fait tous ses efforts pour être original ; il a employé la gamme chinoise, par exemple, et cependant la banalité est le principal défaut de son œuvre.

Parmi les quelques mélodies dont on peut garder le souvenir, nous signalerons pour la partie du ténor, deux romances :

          Je t’aime en ton lointain mystère,

          Ô pays vermeil...

Air monotone dont la phrase est suspendue, et

          Sur l’eau claire et sans ride,

          Glisse, mon bateau.

sorte de chant arabe, qui ne manque point d’une certaine morbidesse. On peut encore citer la phrase d’entrée de la chanteuse :

          Toi qu’il invoque en son délire,

          Je te hais...

un peu banale, il est vrai.

Ce qui vaut le mieux, à notre avis, ce sont les phrases encadrées dans le duo final, avec accompagnement curieux de basson, où Léna plaisante Kornélis sur son ancienne passion, les japonaises d’il y a plusieurs centaines d’années.

Signalons aussi une jolie marche harmonique faite par les cors.

Eugène Jacquet

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Composer, Organist, Pianist, Journalist

Camille SAINT-SAËNS

(1835 - 1921)

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