La Princesse jaune de Saint-Saëns

THÉÂTRES

Opéra-Comique. La Princesse Jaune.

L’Opéra-Comique, qui devient un théâtre de plus en plus modeste, a donné encore un de ces petits actes qui sont la monnaie de la musique. Je n’ajoute pas : et de la poésie, bien que la Princesse jaune soit en vers.

La princesse Jaune n’existe pas. Ce n’est pas de la pièce que je parle, c’est de l’héroïne. Elle ne vit que dans l’imagination d’un docteur Kornélis qui, à force de regarder des pots du Japon, est tombé Japonais lui-même, et amoureux d’une princesse peinte. Il y a eu le Pygmalion du marbre, pourquoi n’y aurait-il pas le Pygmalion de la porcelaine ?

En feuilletant un vieux bouquin allemand, il y trouve la formule d’un philtre qui donne le pouvoir d’évocation. Il compose ce philtre, et en boit un demi flacon. Un philtre d’opéra-comique n’a que deux effets possibles : il grise ou il endort. Celui-ci endort.

Pendant que Kornélis dort, et que le public bâille, un changement de décor nous transporte en plein Japon. Kornélis, tout à coup, voit entrer, qui ? la princesse Jaune. Elle l’aime, elle l’adore, il est très content. – Mais, hélas ! c’était un rêve.

Et quand il se réveille, la princesse Jaune qu’il a près de lui, et qui ne demande pas mieux que de continuer le duo, est sa cousine Lena. Ma foi, une cousine qu’on peut aimer éveillé vaut bien une princesse, si jaune qu’elle soit, qui commence par vous endormir ; il épouse Lena, et ils auront beaucoup de petits magots. Sur ce « poëme » que je ne déprécierai pas en l’appelant simple, M. C. Saint-Saëns a mis une musique qui n’a pas d’autre tort que d’être plutôt faite pour un salon que pour un théâtre. Il y a des nuances, mais pas de contrastes ; du sentiment, mais pas de passion ; de la grâce, mais pas de mouvement. La musique semble avoir bu, elle aussi, une gorgée du philtre de Kornélis. Ce qui n’empêche pas qu’on n’ait applaudi plusieurs mélodies, et qu’on n’ait eu raison.

Mlle Ducasse et M. Lhérie ont droit à la moitié de cette moitié de succès.