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Opéra national lyrique. Le Timbre d’argent

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OPÉRA NATIONAL LYRIQUE 
Le Timbre d’argent, opéra fantastique en quatre actes et huit tableaux, de Michel Carré et M. Jules Barbier, musique de M. Camille Saint-Saëns. — Première représentation le vendredi 23 février.

Jamais opéra ne subit plus de transformations, ne rencontra plus d’entraves, ne fut essayé par plus de compositeurs et offert à plus de théâtres que ce malheureux Timbre d’argent. Il n’y a guère moins de vingt ans, en effet, que le livret fut confié à un musicien qui occupait alors une bonne position dans le monde musical. M. Xavier Boisselot, car c’était lui, avait déjà écrit une bonne partie de l’ouvrage, lorsqu’on lui retira le poëme pour le donner à un compositeur allant plus vite en besogne. Est-ce M. Gounod, est-ce M. Litolff qui reçut ce poëme des mains de M. Boisselot ? Peu importe de savoir qui l’eut le premier, puisque tous deux, après s’y être essayés, y renoncèrent ou en furent dépouillés à leur tour au bénéfice d’un quatrième larron. Celui-ci était M. Camille Saint-Saëns, qui guignait depuis trop longtemps un poëme d’opéra pour laisser échapper celui qui lui tombait du ciel. Il s’y mit avec tant d’ardeur et mena son travail si rondement, qu’il put bientôt soumettre sa partition à un directeur ; mais dix belles années s’étaient déjà écoulées depuis que cet opéra, comme au jeu du furet, courait de main en main et de pupitre en piano.

M. Saint-Saëns porta d’abord l’ouvrage à M. Carvalho, qui le reçut d’enthousiasme, comme il en avait reçu tant d’autres, mais qui ne put pas le jouer. Un beau jour enfin, il rendit sa pièce à l’auteur, qui l’offrit à l’Académie de musique : même réception chaleureuse, même attente prolongée, même échappatoire finale. De guerre lasse, l’auteur se présenta à l’Opéra-Comique, qui ne l’accueillit pas avec un moindre empressement. Il fallait une danseuse : M. Du Locle court en chercher une en Italie ; à peine est-elle arrivée qu’on renonce à jouer le Timbre d’argent et qu’on commande bien vite à M. Guiraud le Kobold pour utiliser les talents de Mlle Trévisan, mais la guerre éclate et met en fuite danseuse et kobold. Plus tard M. Saint-Saëns essaya vainement de stimuler le zèle des directeurs en faisant représenter un petit opéra, la Princesse jaune, et il semblait avoir fait son deuil du Timbre d’argent, lorsque le Théâtre-Lyrique effectua sa réouverture et ouvrit un champ illimité aux espérances des jeunes compositeurs, de vingt ans à cinquante, et au-delà : M. Saint-Saëns accourut un des premiers, et voilà comment le Timbre d’argent est revenu à son point de départ, après des pérégrinations si longues que celles de la trop célèbre fiancée du roi de Garbe ne sont rien auprès. Bien heureux l’opéra s’il n’a rien perdu de plus que la princesse à passer entre tant de mains, à errer sur tant de scènes, et si son époux, c’est-à-dire le public, lui trouve encore autant de charme et de fraîcheur qu’il lui en aurait trouvé il y a dix et vingt ans !

Le cas de M. Saint-Saëns est vraiment singulier : il n’a encore donné que deux opéras, et chacun d’eux n’est qu’un rêve ; seulement le premier ne durait guère qu’une demi-heure, tandis que le second persiste pendant trois grandes heures. Autrefois, c’était un jeune docteur hollandais à la tête farcie de livres sur le Japon, qui s’était épris de l’image de la princesse Ming et qui, tenant d’un vieux savant le moyen de se transporter en rêve au Japon, se procurait, par un philtre, quelques heures d’hallucination, après lesquelles il se réveillait, renonçait à sa chimère et épousait la réalité qui lui tendait les bras sous la forme d’une gentille cousine. Aujourd’hui, c’est un jeune peintre viennois, que ni l’amitié de son camarade Bénédict, ni l’amour si dévoué d’Hélène ne rendent heureux, et qui est possédé d’une envie effrénée de devenir riche, non pour la richesse elle-même, mais afin de pouvoir courtiser certaine danseuse d’une incomparable beauté et que le ciel a privée de la parole. Cette passion insensée et cette épouvantable soif de l’or jettent le malheureux dans une crise terrible qui décidera de sa vie ou de sa mort, et pendant laquelle son esprit halluciné est en proie au plus horrible cauchemar. Un diable surgit à ses côtés qui fait danser devant lui la ballerine adorée et qui lui tend un timbre d’argent : qu’il frappe dessus et l’or roulera à ses pieds, mais, à chaque tintement, un être cher à son cœur périra. Il frappe… et le vieux père de sa fiancée tombe foudroyé. Conrad se lance alors dans une vie de fêtes et d’orgies ; il poursuit de ses hommages la danseuse, qui lui glisse toujours entre les mains, et il rencontre à chaque pas, entre la belle et lui, certain personnage railleur qui change à toute heure de forme et de costume et qui semble le primer dans les bonnes grâces de l’enchanteresse Circé. Vaincu dans cette lutte de richesse et ruiné par ce singulier rival, Conrad maudit l’abominable vie qu’il mène depuis qu’il s’est vendu au démon et il revient, humble et repentant, retrouver son véritable ami Bénédict, le jour même où celui-ci va épouser la jolie Rosa, la propre sœur d’Hélène. Mais le diable et son inséparable lutin féminin relancent Conrad au milieu même de la noce, et celui-ci, repris de vertige, frappe aveuglément sur le timbre.... Bénédict tombe raide mort aux bras de sa fiancée. Fou de douleur, Conrad prend la fuite à travers la ville et court la nuit par toutes les rues, suivi de masques qui le raillent et l’insultent ; un surtout, qui semble être le diable, l’étreint de sa griffe brûlante et fait tournoyer à ses yeux, dans une ronde échevelée, les filles folles de l’enfer. Seule, Hélène ose défendre le faible d’esprit contre la foule acharnée après lui, mais Conrad, las de crimes et de douleurs, en veut finir avec la vie en brisant ce timbre fatal : le fantôme de Bénédict tend alors le timbre : il s’en empare, le brise et… se réveille. La crise est heureusement terminée, ceux qu’il a tués se portent aussi bien que lui, et, désormais guéri de ses folles chimères par cet affreux cauchemar, Conrad vivra heureux avec Hélène, comme Bénédict avec Rosa : les deux mariages se feront le même jour.

Ce poème, d’une couleur fantastique assez attrayante, offre des épisodes variés, et plusieurs scènes très-dramatiques, comme la mort de Bénédict au milieu de sa noce, ou la lutte pitoyable du pauvre fou contre toute cette foule bariolée et hurlante. Mais il est très-décousu, partant d’une compréhension difficile, et, comme il arrive toujours quand il s’agit de songes ou d’hallucinations, le réveil et la conclusion, si brièvement qu’on les traite, semblent d’une froideur glaciale après les catastrophes plus ou moins émouvantes du drame. Le livret du Timbre d’argent est habilement bâti en ce sens que rien ne laisse deviner au spectateur qu’il s’agit seulement d’un rêve, mais plus celui-ci se sera intéressé aux malheurs de Conrad, plus la révélation finale lui fera l’effet d’une douche d’eau froide, plus il sera difficile de lui faire accepter ce revirement. Et pourtant, il serait impossible de le mettre dès l’abord dans la confidence, car alors ce long ouvrage ne pourrait que l’ennuyer : d’où il résulte qu’en bâtissant toute leur pièce sur un rêve, les auteurs ne pouvaient que s’enfoncer dans une impasse ; et, par le fait, ils n’en sont pas sortis, car la scène du réveil est aussi peu intéressante que possible. Cet opéra, ajouterai-je, semble inspiré du célèbre roman de Balzac, la Peau de chagrin, dont on a déjà tiré un drame joué il y a une vingtaine d’années. Dans la Peau de chagrin, le principal personnage est aussi amoureux d’une danseuse et, pour acquérir les moyens de lui plaire, il forme des souhaits qui sont toujours satisfaits, mais qui font rétrécir progressivement la peau de chagrin dont il est possesseur, et après la disparition de laquelle il devra mourir. Au dénouement du drame, des nuages fermaient la scène momentanément, puis laissaient voir le héros profondément endormi : quand il se réveillait, il s’apercevait qu’il avait simplement fait un mauvais rêve. A la différence près d’un timbre ou d’une peau de chagrin, la donnée des deux pièces est donc exactement la même. Un mot encore : le premier acte, où le diable évoque l’apparition de Circé aux yeux du peintre ébloui, et le tableau où le spectre de Bénédict surgit devant Conrad résolu à mourir, ont fait dire à bien des gens que la pièce était calquée sur les opéras de Faust et de Hamlet ; mais comme ce livret-ci est bien antérieur à ceux-là, cette similitude prouve simplement que les auteurs de ces trois ouvrages s’étaient déjà inspirés de Goethe et de Shakespeare pour leur Timbre d’argent, avant de les pouvoir imiter au grand jour.

La musique composée par M. Saint-Saëns sur cette pièce a surpris ses adversaires, c’est-à-dire ceux qui lui niaient toute fraîcheur d’idée ou d’inspiration, par quelques pages d’une grâce et d’une rêverie charmantes, mais elle n’a pas moins surpris ses amis, c’est-à-dire ceux qui lui croyaient des convictions très-arrêtées et une répulsion invincible pour les banalités aimées du public, par de nombreux passages traités de la façon la plus commune et affichant même cette prétention à la vulgarité. On objectera peut-être que la partition du Timbre date de plusieurs années et que les opinions de l’auteur ont pu mûrir et s’affermir depuis le temps, mais, outre que la musique de la Princesse jaune, d’une époque plus récente, offre d’aussi grandes disparates de style, les taches qui gâtent l’ensemble de cet ouvrage auraient très-bien pu être effacées, si l’auteur ne les avait mises là et maintenues à bon escient. M. Saint-Saëns aurait-il deux idéals, l’un pour le concert, l’autre pour l’opéra ; et se serait-il formé cette bizarre idée qu’autant on doit se montrer sévère et dédaigneux des grossiers moyens de plaire dans la musique symphonique, autant il faut, lorsqu’on aborde le théâtre, se montrer coulant vis-à-vis du public et lui servir des plats de son goût ?

Singulière façon de voir, qui prête deux faces à l’art et qui tendrait à établir ce principe qu’il n’y a pas de beau absolu en musique et que le même morceau sera bon ou mauvais selon qu’on l’exécutera dans un milieu différent. J’écrivais un jour, à propos de la Princesse jaune, que la musique de M. Saint-Saëns, ordinairement très-fouillée et soigneusement travaillée, prenait, dès que l’auteur s’oubliait, une teinte vulgaire d’autant plus accusée que le contraste était plus brutal. L’audition du Timbre d’argent a modifié mon opinion dans un sens : c’est que M. Saint-Saëns ne s’oublie jamais, mais qu’il se néglige volontairement à certains moments ; c’est que, quand il plaque des roulades, points d’orgue, traits vocalises ou colpi di gola à la fin d’airs écrits dans un style tout différent, lorsqu’il bâtit des morceaux entiers sur des dessins de voix ou d’orchestre qui, n’ayant aucun sens dramatique, ne peuvent exprimer aucun sentiment et frappent uniquement à l’oreille sans rien dire à l’esprit, il ne se trompe pas par mégarde ou précipitation, mais de parti pris et avec réflexion. Il faut donc le louer de cette sûreté de jugement et de cette concordance toujours absolue entre ce qu’il veut produire et ce qu’il produit : jamais chez lui la main ne trahit la pensée, à l’encontre d’autres compositeurs, et quand il fait mal, c’est qu’il a voulu faire ainsi.

Ces observations préalables sur l’ensemble de l’œuvre me dispenseront d’insister par la suite sur les passages défectueux, et j’en suis fort aise, car après tout, le Timbre d’argent est une partition trop intéressante à étudier dans ses bonnes parties pour qu’on s’arrête à chaque instant sur les autres, afin de formuler toujours la même critique en termes différents. L’ouverture, dont le thème principal est emprunté au finale du second acte, est traitée avec la vigueur et la richesse de tons que M. Saint-Saëns met d’habitude dans ses compositions orchestrales, et une mélodie d’un caractère calme et religieux traverse heureusement cette préface sombre et menaçante. Le premier acte me parait être le meilleur. Le chœur joyeux des amis de Conrad l’appelant pour fêter ensemble la nuit de Noël, la consultation d’un accent sardonique du vieux docteur Spiridion, la jolie phrase des violons en sourdines empruntée à l’andante de l’ouverture, lorsque le médecin examine d’un air narquois le chef-d’œuvre du peintre, le portrait fait d’inspiration de la danseuse Fiammetta, enfin une gracieuse prière, chantée par les deux sœurs, forment une introduction empreinte d’un calme touchant. La mélodie de Bénédict : Demande à l’oiseau qui s’éveille, est tout à fait charmante avec son accompagnement de harpes sur des tenues descendantes des cordes, entrecoupées de répliques croisées de la clarinette et du hautbois. Le chœur du carnaval, avec trompes dans la coulisse, est d’une gaieté bruyante, comme il convient, puis la scène de Conrad maudissant son existence obscure et sa pauvreté renferme de bons élans dramatiques ; mais la meilleure page de l’acte, et peut-être de l’opéra, est l’apparition de Fiammetta évoquée par le démon. La phrase mystérieuse des violons con sordini ; le joli chœur : Elle s’anime, avec ce mystérieux susurrement de la flûte, de la harpe et des violons, la mélodie caressante de la flûte en fa dièse lorsque l’image prend vie, les paroles tentatrices du diable pendant que la danseuse cherche à enlacer Conrad, les dernières hésitations de celui-ci avant de frapper sur le timbre, puis les cris des masques lorsque Conrad est atterré d’avoir tué sans le vouloir le vieux Stadler : tout cela forme un tableau très mouvementé et varié de nuances, mais toujours bien en scène et d’un bon sentiment dramatique.

Le tableau suivant, qui se passe dans la loge de Fiammetta, n’est rempli que des hommages à elle rendus par de trop nombreux soupirants : c’est de la musique facile et allègre selon la formule, où je ne vois à louer que le pas dansé de l’Abeille, d’une idée gracieuse et d’une heureuse orchestration. Je fais bon marché du quintette des Dés, qui ressemble à tant d’autres parties de jeu en musique ; et la romance chantée par Hélène dans la coulisse, avec un dessin enlacé du violon solo, n’a pas la franchise, la simplicité d’inspiration qui conviendrait à un morceau de ce genre. Je remarquerai, à ce propos, que l’auteur n’obtient jamais ses effets de grâce ou de charme par la mélodie seule, mais, ce qui vaut mieux en règle générale, par une contexture très-serrée de la phrase mélodique et de l’accompagnement ; ce procédé est aussi sensible dans les mélodies de Bénédict et de Conrad que dans la jolie ballade : le Papillon et la Fleur ; mais il n’est pas à sa place ici, où la mélodie vocale et le chant du violon devraient être aussi simples qu’ils sont contournés l’un et l’autre. Le tableau qui se passe sur le théâtre de Vienne ramène le pas de l’Abeille, puis un joli chœur bâti sur la phrase chantée par les violons lors de l’évocation de Circé, et une chanson napolitaine de Spiridion, hors-d’œuvre agréable dès qu’on fait abstraction du drame. L’acte se termine par la scène du souper féerique, avec chant bachique du diable et grand finale construit sur le premier allegro de l’ouverture, morceau assez vigoureux, en somme, mais sur lequel la malédiction de Conrad se détache assez mal, peut-être par l’insuffisance du chanteur.

Le prélude et le chœur pastoral qui ouvrent le troisième acte sont assez jolis ; la phrase du mendiant et la douce réponse de Rosa sont écrits dans un bon sentiment ; l’andante du duo des sœurs est aussi agréable, mais la conclusion en vocalises est déplorable ; en revanche, la cavatine de Conrad : Nature souriante et douce, est d’une expression juste et charmante avec son gracieux dessin des violons sur les pizzicati des basses et les tenues du cor. Le grand duo entre Hélène et Conrad renferme des parties bien déclamées et se termine assez mal par des exercices de solfège ; je retrouve encore quelques phrases d’orchestre expressives dans la scène de séduction de Conrad par Fiammetta, mais la même mélodie, qui me satisfait quand elle est chantée par les violons seuls, devient vulgaire lorsque Conrad la reprend en doublant les instruments à cordes : simple effet de facture, qui prouve à quel point est défectueuse cette formule si banale de l’unisson entre la voix et les violons. L’arrivée de la noce se célèbre par des danses villageoises animées, puis Bénédict et Rosa chantent cette jolie légende : le Papillon et la Fleur, où la flûte imite sans doute le vol du papillon sur de mystérieux motifs d’orchestre ingénieusement variés à chaque couplet. La danse bohémienne de Circé aux sons de la cornemuse du diable et le chœur vocalisé avec dessin tournoyant de l’orchestre sont jolis, à coup sûr, mais j’aurais désiré, pour cette fin d’acte très saisissante, des airs plus bizarres et de plus diabolique allure.

Le chœur du Carnaval reparaît avec d’heureux développements au commencement du quatrième acte, et les cris des masques huant le fou sont bien rendus. Quant à la ballade du Timbre d’argent, chantée par Spiridion au nez du malheureux Conrad, c’est sûrement un morceau travaillé dans un sens excellent et d’une facture très-habile, mais il s’en faut bien que l’effet produit soit en raison des efforts tentés par l’auteur : c’est curieux et bizarre, sans être le moins du monde effrayant ni satanique. La valse des filles d’enfer offre le même défaut, tout en étant fort gracieuse ; ce bercement voluptueux chanté par les violons dans le grave et qui rappelle, au moins par la sonorité, la jolie valse de Coppélia, est un air de danse agréable, mais aussi peu diabolique que possible. Le récit déclamé d’Hélène sur la sonnerie de l’Angélus ne manque pas de caractère, quoique la formule d’accompagnement en batterie à 9/8 soit bien usée et qu’on ne comprenne pas pourquoi Hélène, dans une situation aussi pathétique, s’amuse à vocaliser quatre mesures en triolets sur le mot : mè....re. Le trio final entre Hélène et Spiridion qui représentent le bien et le mal et se disputent le cœur de Conrad, — cela s’est déjà vu quelquefois, — a au moins le mérite de la brièveté, et le dernier tableau, en nous ramenant dans la chambre du peintre, ramène aussi la reprise de la prière initiale. Les quatre fiancés, alors réunis et bien portants, se joignent au diable, redevenu le brave docteur Spiridion, pour chanter en quintette la morale de l’histoire :

Riches, vous avez la terre,
Pauvres, nous avons le ciel.
Dieu bon, sur notre misère
Jette un regarde par terre !

A M. Vizentini les premiers compliments, c’est-à-dire, au directeur qui a monté cette pièce fantastique avec beaucoup de luxe et qui l’a encadrée dans des décors tous fort jolis, mais dont trois sont particulièrement curieux : le grand théâtre de Vienne vu de la scène, le palais magique sortant de terre et le carrefour de Vienne, la nuit, avec ses rues entre-croissées et ses vieilles maisons. Les seconds éloges à M. Danbé, qui a conduit l’exécution générale avec sa sûreté habituelle, et à M. Melchissédec (Spiridion), qui se donne beaucoup de peine, non sans récompense, dans un rôle où il lui faut changer de visage et de costume à tout instant. M. Caisso (Bénédict) conduit habilement une voix très-ingrate et a bien dit sa romance, plus la légende du Papillon avec la gentille Mlle Sablairolles (Rosa). M. Blum (Conrad) est très-froid et n’émet que difficilement une voix trop peu sonore dans le registre élevé. Melle Théodore mime et danse le rôle de Circé de façon à faire regretter qu’elle ne parle pas, bien qu’en dise le trop galant Spiridion, et Melle Salla (Hélène), qui ne peut chanter qu’à pleine voix et avec tout l’orchestre, dévie aussitôt que l’accompagnement diminue ou qu’elle doit chanter en douceur. L’interprétation subit ainsi peu à peu une dépréciation sensible : nous souhaitons vivement que le decrescendo s’arrête là et que la réussite de l’opéra soit en raison inverse de l’exécution.

Adolphe Jullien.

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publication date : 02/11/23