Séance publique de l'Institut
NOUVELLES DE PARIS. ACADEMIE ROYALE DES BEAUX-ARTS. Séance publique du 30 octobre. Il est peu d’institutions plus utiles que celle des pensions accordées par le gouvernement français, pour un certain nombre d’années, aux jeunes artistes qui l’emportent sur leurs rivaux aux concours généraux de musique, de peinture, de sculpture et d’architecture ; car ces pensions assurent l’existence des lauréats, et leur procurent cinq années de cette tranquillité sans laquelle il est difficile de se livrer avec enthousiasme aux travaux des arts. Cependant le résultat de la munificence du gouvernement n’a pas toujours été ce qu’on devait en attendre : bien des médiocrités ont reçu la récompense du talent naturel : de là, les déclamations contre les concours, contre l’Académie qui les juge, contre les pensions, et tous les projets de réforme qui ne tendent à rien moins qu’à détruire une bonne chose dont on a parfois abusé. Mais quoi ? parce que l’esprit de coterie s’est introduit en quelques circonstances dans les jugemens de l’Académie, parce que tous les triomphateurs n’étaient pas dignes des honneurs du triomphe, on voudrait punir ceux qui peuvent justifier par leurs succès les encouragemens de leur patrie ? Ce serait non-seulement commettre une injustice, mais faire un mal irréparable à l’avancement des arts. Il vaut mieux perdre quelque argent en récompenses mal placées, que de priver de secours une seule capacité réelle. Dans la distribution des grands prix de composition musicale, l’Académie s’est montrée assez juste, assez éclairée pour être à l’abri de tout reproche. Le sujet du concours était la cantate de Sardanapale : en le traitant, M. Montfort paraît avoir été frappé du caractère de mollesse convenable à la première partie de la cantate, plutôt que de la force qui devait se déployer dans la seconde. Une première ritournelle pleine de suavité, un récitatif simple et un cantabile gracieux, bien écrit et bien instrumenté se font remarquer d’abord. Le mouvement suivant sur ces paroles :
Le roi des rois impose l’esclavage ;
Son front brillant ne l’acceptera pas,
est moins heureux. Il y a de la monotonie dans le récitatif qui le précède, et un peu trop d’uniformité dans le système de l’instrumentation. Le dernier morceau ne manque pas de vigueur : il est seulement fâcheux que M. Montfort ne l’ait pas terminé par une péroraison plus brillante. En somme, le travail de cet artiste est de bon augure pour l’avenir, et tout présage qu’il justifiera quelque jour la distinction qu’il vient d’obtenir. M. Hector Berlioz, auquel l’Académie a décerné le premier grand prix, me semble être un de ces artistes que la nature destine à ouvrir de nouvelles routes dans l’art qu’il cultive. Une grande conviction l’anime ; les obstacles ne lassent point son courage, le dédain de ceux qui ne comprennent pas ses pensées n’ébranle pas sa résolution ; il a aperçu le but, et il se dirige vers lui sans prendre garde à ce qui pourrait l’en détourner. Le besoin dominant de ce jeune homme est de trouver des effets neufs, et c’est à leur recherche qu’il consacre tous ses efforts. Il le faut avouer ; il est souvent heureux en ce genre, et l’on ne peut douter qu’il n’y fasse beaucoup de découvertes, quand ses idées auront acquis plus de netteté par l’expérience. Son harmonie laisse désirer plus de correction ; sa mélodie est quelquefois bien sauvage ; mais à force d’écrire, il deviendra plus sévère avec lui-même ; et celui qui a trouvé le chant élégant et neuf : Venez, Bayadères charmantes, ne sera point dépourvu de mélodie quand il ne la dédaignera pas. Attendons encore quatre ou cinq ans pour connaître et juger M. Berlioz.
Related persons
Documents and archives
Libretto
Sardanapale (Jean-François Gail)
Permalink
publication date : 19/10/23