L’Éclair d’Halévy

THÉÂTRE DE L’OPÉRA-COMIQUE.

L’Opéra-Comique a donné cette semaine un ouvrage nouveau de M. Halévy. Cet ouvrage a réussi, grâce à un poème attachant quelquefois et à une musique ingénieuse et facile. Les chœurs ne paraissent pas dans L’Éclair ; c’est une partition qui se passe entre quatre personnages, parmi lesquels il n’y en a qu’un qui chante. Il faut avouer que c’est, pour un musicien, une étrange manière d’innover, que de supprimer ainsi sans façon une des plus puissantes ressources de l’art. Après Guillaume Tell et Robert-le-Diable, il n’est plus permis d’exclure les chœurs d’une partition, comme on le pouvait faire au bon temps de M. Marsolier. Rossini a bien compris cette vérité. Que serait, s’il vous plaît, la partition du Barbier de Séville, si Rossini avait eu l’idée heureuse de M. Halévy ? Mais, à vrai dire, Rossini et M. Halévy peuvent-ils se rencontrer jamais ? Le Constitutionnel se réjouit fort de ce procédé nouveau qu’il appelle une innovation. 

Si Meyerbeer, ce musicien de cœur, avide de toutes les gloires musicales, veut composer un jour un opéra-comique, je lui conseille de lire le manifeste du Constitutionnel et de le méditer longtemps. Il y trouvera l’ordonnance sage et mesurée de ce genre de composition, telle que l’entendent M. Étienne et ceux de son école. Quoi qu’il en soit, l’opéra de M. Halévy a réussi. Le public a beaucoup applaudi le rôle de l’étudiant d’Oxford, joué avec esprit par Couderc. Après la chute du rideau, les amis empressés ont demandé le nom de l’auteur ; puis l’auteur, M. Halévy, s’est rendu de bonne grâce à cette invitation, et nous avons vu se reproduire le curieux triomphe de la Juive. Les amis ont redoublé d’enthousiasme, et le public s’est retiré pour ne pas troubler cette fête de famille. Que l’Opéra-Comique ne s’endorme pas sur ce succès, il doit tendre plus haut. Avec deux ou trois opéras comme 

l’Éclair, il remonterait, en moins de six mois, au Dilettante d’Avignon. Nous attendons l’Opéra-Comique à la représentation de l’ouvrage nouveau de M. Auber, qu’il prépare pour les débuts de M^me Damoreau.