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Ariane de Massenet

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CHRONIQUE MUSICALE

À L’OPÉRA. — Ariane, opéra en 5 actes, poème de M. Catulle Mendès, musique de M. Massenet. — Les Grands Concerts.

Ce serait faire preuve d’une érudition facile que d’énumérer toutes les pièces lyriques ou simplement dramatiques que la fable touchante d’Ariane a inspirées. Mais comme la dernière en date remonte à une centaine d’années, on serait presque tenté de dire que c’est un sujet nouveau que M. Catulle Mendès a traité, d’autant plus nouveau qu’usant de son droit absolu de poète, il a apporté quelques modifications très heureuses à la légende mythologique.

Le 1er acte se passe avant l’entrée du Labyrinthe, dans les environs du palais de Minos, tout près de la mer — qu’on ne voit pas. Un court prélude (25 mesures à 6 temps, je précise) annonce le chant lointain des sirènes. Thésée, qui a reçu d’Ariane le fameux fil conducteur, se trouve dans le Labyrinthe, où il est à la poursuite du Minotaure, et tandis que les vierges et les éphèbes destinés à devenir la proie du monstre se lamentent, Ariane attend craintive l’issue du duel. Elle implore Cypris, puis elle avoue son amour pour Thésée à sa sœur Phèdre, et chante là une mélodie d’un rythme très caractéristique, dont le thème revient souvent dans le cours de la partition. Thésée paraît entouré des enfants qu’il a délivrés. Il a vaincu le Minotaure, et il demande à Ariane si elle consent à devenir son épouse. Ariane le suivra, à condition que sa sœur Phèdre les accompagne. Le tableau se termine sur un tutti pompeux.

Au 2e acte, nous sommes sur la nef qui emporte Ariane et Thésée vers Naxos. Un orage éclate, puis le calme renaît. La musique de cette partie est surtout descriptive. L’action languit, mais le rôle de la symphonie est particulièrement attrayant. J’ai surtout goûté un récit de Thésée : « Quand Hercule eut conquis... ».

C’est dans le 3e acte que se trouvent les plus jolies choses ; c’est ce 3e acte qui a obtenu le plus de succès. Thésée néglige Ariane. Il aime Phèdre, et cet amour le tient tout entier. Ariane est triste. La jeune Eunoé (Mlle Mendès) l’interroge en des strophes d’une incomparable douceur. Ariane prie sa sœur Phèdre de demander à Thésée les causes de sa froideur : « Tu lui parleras, n’est-ce pas ? » arioso que Mlle Bréval chante avec un charme exquis. Puis grande scène entre Phèdre et Thésée, dans laquelle le héros expose à Phèdre son coupable amour. La sœur d’Ariane se révolte, puis elle finit par succomber sous l’empire d’une passion plus forte que sa volonté. Mlle Grandjean est puissamment expressive et haletante. Ariane les surprend. Elle exhale sa douleur en des stances : « Ah ! le cruel ! Ah ! la cruelle ! » que Mlle Bréval chante d’une façon poignante et qui deviendront célèbres. Mais Pirithoüs, le compagnon de Thésée vient nous apprendre que Phèdre est morte. Elle a nargué la statue de Cypris, et la statue s’abattant sur elle, l’a écrasée de son poids. Ariane oubliant déjà le crime de Phèdre, se promet d’aller la rechercher dans les enfers.

C’est sur les bords du Styx que se passe le 4e acte. Ariane a pu obtenir de Perséphone le privilège de pénétrer dans les enfers. Elle l’a obtenu en lui offrant des fleurs, et ce geste gracieux nous vaut un des bijoux de la partition : « Des roses, des roses ! » que Mlle Lucy Arbell dit avec une grâce parfaite. Les chœurs du 4e acte sont particulièrement bien venus. Les airs de ballet, sont un peu moins intéressants. J’en excepte le menuet des Grâces, qui est d’une finesse délicieuse.

Le dernier acte se passe, au bord de la mer. Ariane a ramené Phèdre, et Thésée jure à la délaissée un éternel amour, tandis que Phèdre dépeint son repentir. Mais de nouveau Phèdre et Thésée trahissent la malheureuse Ariane. Elle entend le chant des Sirènes, répond à leur appel et les rejoint dans la mer.

En résumant le livret, j’ai cité les pages capitales de la partition. S’il s’agissait de critiquer d’un seul mot le poème et la musique, je dirais simplement que l’un est de M. Mendès, et que l’autre est de M. Massenet.

Le langage de M. Mendès est certes fort imagé, mais il n’a pas la clarté que doit avoir un poème chanté. Les phrases subtiles, les mots rares, les épithètes précieuses, les rimes imprévues perdent tout leur prestige à l’Opéra, et l’on éprouve autant de peine à comprendre le dialogue chanté, qu’on a de plaisir à lire la partition, splendidement éditée par M. Heugel, devant le piano, dans l’intimité, à la lueur de la « petite lampe » naguère chantée par M. Massenet.

Je ne crois pas qu’Ariane sera aussi glorieuse que ses devancières, Manon, Hérodiade, Thaïs. Cette musique n’est pas ennuyeuse du tout, elle est mélodique, charmeuse, et d’une parfaite limpidité. On la trouvera peut-être trop limpide. Il est bien visible que M. Massenet a tenu rester lui-même. Il a plutôt fait un retour en arrière qu’un pas en avant, et il s’est complu à écrire quelques pages qui rappellent la simplicité de la manière de Gluck. La comparaison ne saurait avoir rien de blessant pour le maître illustre dont la musique a le mérite d’être sans cesse... musicale, ce qui est déjà quelque chose, en somme !

Chemin faisant j’ai cité les principaux interprètes d’Ariane. Il me reste à donner les noms de M. Delmas qui a mis son talent habituel au profit du rôle de Pirithoüs, de Mlle Demougeot — Cypris, et de Mlles Zambelli et Sandini que nous aimerions mieux à retrouver au Paradis qu’à voir en Enfer.

La mise en scène d’Ariane a été conforme à ce que nous voyons ordinairement à l’Opéra. Il convient enfin de complimenter M. Vidal qui a conduit l’ensemble avec autorité et souplesse. […]

Henri Brody.

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Composer, Pianist

Jules MASSENET

(1842 - 1912)

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