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Chronique théâtrale. Les P’tites Michu

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CHRONIQUE THÉÂTRALE
[…] Aux Bouffes-Parisiens, les P’tites Michu, opérette en trois actes de MM. Albert Vanloo et Georges Duval, musique de M. André Messager. […]

Les Bouffes-Parisiens nous ont donné les P’tites Michu, opérette en trois actes, de M. Albert Vanloo et Georges Duval, musique de M. André Messager.

L’idée première est assez ingénieuse.

Les p’tites Michu sont deux sœurs jumelles, qui ont cette particularité de n’être ni sœurs ni jumelles. L’une est la fille du général des Ifs qui, au moment de partir pour une de ces campagnes où les soldats de Napoléon le suivaient à travers l’Europe, l’a mise en nourrice chez Mme Michu, marchande à la Halle, et mère elle-même d’une petite fille née la veille. Le papa Michu a eu l’imprudence de baigner ces deux enfants ensemble impossible de les reconnaître au sortir du bain. Les Michu en ont pris leur parti, et comme le général des Ifs ne donnait pas signe de vie, ils ont aimé ces deux enfants d’une égale tendresse, ils leur ont donné la même éducation ; ils leur ont donné le même nom l’une s’appelle Marie-Blanche et l’autre Blanche-Marie.

Mais vous voyez leur embarras, quand, au bout de dix-huit ans, le général des Ifs reparaît et redemande sa fille. Il est accompagné d’un bel officier qui lui a sauvé la vie au siège de Saragosse et dont il veut faire son gendre. Marie-Blanche voit l’officier et l’aime ainsi fait Blanche-Marie. Marie-Blanche est plus vive, plus en dehors Blanche-Marie est plus timide, plus douce. Elle se sacrifiera à celle qui a été si longtemps sa sœur ; elle restera avec les Michu et laissera Marie-Blanche épouser le jeune et fringant Aristide.

Mais toutes deux ont compté sans l’atavisme, qui fait des siennes.

Marie-Blanche s’ennuie à périr chez le général où l’on veut lui apprendre les belles manières. Elle n’a de plaisir qu’à s’échapper une heure ou deux chez la mère Michu, et à y vendre du beurre ou des carottes aux clients. Blanche-Marie en revanche soupire. Elle va épouser le cousin Rigaud et le cousin Rigaud ne lui plaît guère.

Mais quoi tout est arrangé, conclu. Comment revenir sur ce qui est fait ?

Marie-Blanche trouve un moyen. Elle a remarqué chez le général des Ifs un portrait qu’on lui a dit être celui de sa mère, qui était morte en la mettant au monde. Elle est frappée de la ressemblance de sa sœur avec ce portait. Il n’y aurait à changer que la coiffure et l’ajustement du corsage. Sans prévenir Blanche-Marie, elle la coiffe et l’habille comme la dame du portrait, si bien que le général entrant s’écrie « Mais c’est ma fille ! »

La scène est vraiment jolie et piquante. Elle a fourni au musicien la matière d’un très agréable quintette.

Il en résulte un chassé-croisé de mariages. Le bel officier épousera Blanche-Marie et Marie-Blanche se résignera à Gaston Rigaud. Cette innocente petite histoire est un peu longuement contée par les auteurs, qui n’ont peut-être pas mis assez de variété dans les incidents qui l’agrémentent : le dialogue a paru aussi un peu terne. Tout cela n’est qu’aimable. L’opérette ne saurait se passer aujourd’hui d’une saveur plus irritante. La partition est d’un homme, qui sait admirablement son métier, qui orchestre toujours avec soin et finesse. La mélodie est chez lui facile et abondante ; elle manque de je sais quelle épice qui en relève le goût.

L’interprétation est bonne dans son ensemble. Regnard a de la bonhommie dans le père Michu et Maurice Lamy ténorise gentiment dans le rôle du bel officier. Je n’ai guère aimé Barrai dans celui du général des Ifs. On dirait qu’il s’étudie à dire faux. Il est insupportable. Par contre, Brunais nous a ravis dans la silhouette qu’il nous a montrée de son ordonnance. Ce Brunais a un naturel très comique. Il a au premier acte un récit soldatesque, où il est d’une drôlerie inconcevable. Je m’étonne qu’on ne se serve pas plus et mieux de cet acteur, qui est si plaisant.

Marie-Blanche, c’est Mme Alice Bonheur, vive comme le salpêtre, et Blanche-Marie, c’est Mlle Odette Dulac, d’une grâce plus apaisée. Mlle Laporte, dont le comique est très en dehors, est amusante dans le rôle de la maîtresse de pension, qui mène militairement ses élèves. Citons encore Mme Vigouroux, qui a de la bonne humeur et de la sensibilité sous les traits de la mère Michu.

Les ensembles sont fort bien réglés, et les chœurs composés de jolies jeunes personnes. Toute la question est de savoir si ce genre florianesque agréera au public. […]

Francisque Sarcey

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Francisque SARCEY

(1827 - 1899)

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publication date : 03/11/23