Skip to main content

Fausto

Category(ies):
Publisher / Journal:
Publication date:

Fausto. 

Parlons musique : voici le théâtre italien. Si vous n’avez pas lu le Fausto de Goëthe, ce qui peut arriver à de fort honnêtes gens, vous avez probablement vu le Fausto de la Porte-Saint-Martin qui ressemble assez mal à l’autre. Et si vous n’avez vu aucune de ces merveilles fort vantées par les feseurs, vous imaginerez un homme qui s’ennuie d’être à la lois vieux et pauvre (j’en connais beaucoup qui s’ennuient pour moitié moins), cet homme veut s’empoisonner, mais grâce à un chœur mystérieux, il songe qu’il y a mieux à faire, il feuillette des livres cabalistiques, et en y songeant bien, il se donne au diable ! Il n’était pas besoin pour cela de la science de la cabale ! Le diable a des recettes uniques. Fausto retrouve jeunesse, richesse, santé, tout, même l’amour ; l’amour, ce bien qu’on a pas toujours quand on a tous les autres. Devenu amoureux, il veut avoir celle qu’il aime. Mephistophélès, son intime ami, fait tout ce qu’il faut pour cela. Il réussit, car rien ne sert comme un pacte avec le diable. Mais le remords vous prend bientôt, surtout si vous avez le malheur, comme Fausto de tuer le père de votre amante, et de la désespérer à tel point qu’elle jette son enfant dans l’eau, qu’elle est ensuite accusée d’infanticide, et enfin... toutes les horreurs qui résultent de ces préliminaires-là. Ne vous donnez donc pas au diable : voilà ce que je me permets de conclure après le Fausto de Goethe, le Fausto du théâtre italien, et tous les Fausto de France, d’Allemagne et d’Angleterre. Du reste arrangez en trois actes le canevas que j’ai eu l’honneur de vous présenter. Mettez des diables, une chaudière bouillante, un superbe clair de lune, du sabat, enfin l’enfer avec le cortège obligé de lézards, de crapauds, de cornes et de tous autres accessoires. Et présentez ensuite ce libretto à une jeune demoiselle promenant avec grâce ses doigts légers sur un clavier docile. Priez cette demoiselle de faire chanter vos crapauds, vos lézards, la jeune fille au désespoir, le frère tué, l’amant criblé de remords, et le diable incarné sous la figure de M. Santini. Si cette demoiselle ne recule pas, convenez qu’elle a du cœur et que la chose est rare !

Voilà pourtant ce qui s’est rencontré ! Et la sévérité, la force de l’œuvre est au-dessus de l’entreprise. Je dis la force, la vigueur, et non pas la grâce, la douceur d’un chant qui vous pénètre, non pas le bonheur de la mélodie. La mélodie est sacrifiée aux effets de l’harmonie : l’inspiration, à la science ; aussi la représentation a-t-elle été froide. On a beaucoup admiré, fort peu compris, et rien retenu. Je critique avec franchise, car il y a dans le talent de l’auteur assez de ressources et de valeur réelle pour qu’on puisse se passer de ces précautions oratoires que la galanterie commande et dont la faiblesse a toujours besoin. La partition de Faustoest riche d’effets puissans d’harmonie, mais trop monotones. L’auteur est trop dominé par sa situation principale, les contrastent [sic] lui échappent, d’heureuses idées surgissent et ne se développent pas, couvertes qu’elles sont bientôt par les tambours, les ophicléides, les tamtams, et toute une armée de trompettes comme il n’y eu eut jamais sous les murailles de Jéricho. C’est tout un monument en cuivre, mais il est d’une main de femme, et peu de nos artistes seraient capables d’en foudre un d’une matière plus forte cl d’un timbre plus vibrant. Tout cela a vraiment le mérite de l’originalité. Le public a beaucoup applaudi. Or, c’était sur le théâtre de Mozart. Cela dit tout.

Related persons

Composer

Louise BERTIN

(1805 - 1877)

Related works

Fausto

Louise BERTIN

/

Louise BERTIN

Permalink