Lancelot

Lundi 12 février. […] Les théâtres à musique continuent de ne pas chômer. Voici l’Opéra qui nous a donné Lancelot et le Théâtre-Lyrique de la Renaissance, Martin et Martine.

Quelle sera la destinée du premier ouvrage ? M. Victorin Joncières est un musicien, consciencieux, travailleur, passionné pour son art. Il a dû mettre en son drame lyrique une foi robuste. Mais hélas ! nul ne peut aller contre les modes nouvelles et les inspirations qui changent avec les générations successives.

Au lendemain de Louise, poème de jeunesse et de passion, Lancelot devait paraître bien sage et bien sévère, et c’est ainsi qu’on a pu le considérer.

Voyons le poème. Il met en scène Monseigneur Lancelot auquel le roi Arthus demande d’être arbitre entre le comte Alain de Dinan et le baron Markhoël. Ces deux seigneurs voudraient avoir une place parmi les chevaliers de la Table Ronde. Lancelot ne peut contenter Markhoël qui, pour se venger, fait assister le roi à une fête dans laquelle la reine donne rendez-vous à Lancelot.

Celui-ci est, sur l’ordre du roi, à demi assassiné par des gardes. Quant à la reine, ordre est donné de l’enfermer dans un couvent.

Mais Lancelot revient à la vie. Il est soigné par Élaine, la fille du comte Alain et il en devient amoureux.

Cependant, Lancelot apprend la captivité de la reine. Il partira pour la délivrer. Pendant le trajet, il tombe brisé, harassé par la fatigue. Il a un rêve et c’est le moment du ballet.

Ainsi que dans La Fée aux Chèvres, comme autrefois à la Gaîté, le ballet est à transformations. Mlle Sandrini y danse pleine de grâce et de souplesse, et aussi Mlle Robin dont les épaules sont toujours merveilleuses.

Mais M. Hansen a-t-il apporté là-dedans des trouvailles de mise en scène ? Je ne saurais le jurer.

Enfin, Lancelot se réveille. Un ballet ne peut toujours durer !

Et il repart à la recherche de la reine.

Or, le couvent même où s’est retirée Élaine est justement celui où se trouve la reine. Les deux femmes, qui ne se connaissent pas, pleurent ensemble. Survient le roi qui pardonne à son épouse ; mais à peine est-il parti, que Lancelot apparaît.

La reine se précipite dans ses bras. Élaine voit cela cachée derrière un pilier, et de désespoir elle va se jeter dans un lac proche.

Au dernier tableau, nous la voyons morte, couchée dans une barque, tandis que Lancelot se lamente.

Le thème était difficile traiter ; et le compositeur, tout en essayant d’y mettre du mouvement et de la vie, n’a pu toujours y parvenir.

Mlle Delna chanta de façon heureuse le rôle de la reine. Mme Bossman fit de son mieux pour rendre Élaine émouvante. M. Vaguet fut un Lancelot à la voix superbe.

Par superstition, Lancelot, qui devait s’appeler Lancelot du Lac, vit ses deux dernières syllabes supprimées.

Je souhaite que les auteurs se soient trompés.

Auguste Germain