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Frédégonde

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Samedi 14 [décembre 1895]. — Répétition de gala de Frédégonde, drame lyrique en trois actes et cinq tableaux, paroles de Louis Gallet, musique de Guiraud et de Saint-Saëns. Cette soirée, donnée au bénéfice du comité de secours de Madagascar et des pauvres de Paris, a été organisée par MM. Arthur Meyer, directeur du Gaulois et Fernand Xau, directeur du Journal. Les auteurs ont abandonné leurs droits ; l’Assistance Publique s’est engagée, paraît-il, à ne pas opérer sur la recette son prélèvement habituel ; MM. Bertrand et Gailhard ont aussi droit à une large part de félicitations et de remerciements pour s’être généreusement prêtés à l’organisation de cette solennité.

Primitivement destinée à M. Saint-Saëns par l’auteur du livret, Frédégonde, qui s’appelait à ce moment Brunehilde, fut ensuite confiée à Guiraud. Ce dernier se mit à l’ouvrage en 1890, mais mourut le 8 mars 1892, sans avoir achevé son œuvre et peu de mois après avoir été élu membre de l’Institut en remplacement de M. Léo Delibes.

M. Saint-Saëns consentit à terminer l’œuvre de son confrère ; aussi voyons-nous aujourd’hui les deux noms associés sur l’affiche. Un public d’élite est venu pour les applaudir : M. Félix Faure, reçu par M. Gailhard et Xau, est entouré de MM. Bourgeois, Brisson, Le Gall et Guyot-Dessaigne ; non loin : MM. Waldeek-Rousseau, Poincaré, etc. 

La partition de Frédégonde a été achetée cent mille francs, disent les uns, deux cent mille francs, selon les autres, par l’éditeur Paul Dupont.

Lundi 16. — Changement de spectacle. — Faust au lieu de Frédégonde. Mademoiselle L. Breval, qui avait chanté le rôle de Brunehaut à la soirée de gala, malgré une indisposition remontant déjà à quelques jours, est plus souffrante et ne peut jouer ce soir. La première est reculée de quelques jours et le rôle confié à Mlle Lafargue, décidément née sous une heureuse étoile.

Mercredi 18. — 1re rep. De Frédégonde. Au 1er tableau : les murs du vieux Paris. Frédégonde vient d’épouser le roi Hilpérik (aux Variétés on dit Chilpéric, à l’Académie nationale Hilpérik), après avoir fait assassiner sa femme Galswinthe, sœur de Brunehaut, celle-ci mariée au roi d’Austrasie Sigebert. Pour tirer vengeance de ce meurtre, ce dernier envahit l’Île-de-France, mais il est tué lui aussi par des meurtriers à la solde de Frédégonde, et sa femme Brunehaut, tombée outre les mains de son ennemie, est condamnée à finir ses jours dans un couvent.

Deuxième tableau, une forêt, près de Rouen. Confiée au jeune Mérovée, fils du roi, Brunehaut ne tarde pas à séduire son gardien, qui, au lieu de la conduire au couvent, s’apprête à la mener à l’autel. Au troisième tableau, nous voyons l’évêque Prétextat consentir à célébrer le mariage de la prisonnière avec son tendre geôlier. 

Dans une salle de son palais, à l’acte suivant, le roi Hilpérik apprend cette nouvelle ; excité par sa femme qui l’enivre de toutes ses séductions, il jure de tirer vengeance du fils rebelle. Le cinquième acte est le plus dramatique de tous : le roi a envahi l’Austrasie et campe devant le monastère de l’église Saint-Martin de Rouen, où se sont réfugiés Mérovée et Brunehaut. N’osant violer le droit d’asile de ce saint lieu, il attire dans ses bras par des promesses de pardon son fils repentant ; mais bientôt celui-ci, entouré par les soldats de Hilpérik, s’entend condamner à mourir dans un cloître ; aussitôt il se tue, tandis que l’évêque Prétextat lance l’anathème contre le roi, la reine Frédégonde et les évêques indignes qui ont condamné le jeune Mérovée.

À part cette dernière scène où le livret offre une situation véritablement émouvante, les trois actes de Frédégonde sont d’une monotonie complètement dénuée d’intérêt. Et quels caractères prête-t-il à ces farouches personnages ? il nous montre un Hilpérik soupirant aux genoux de sa femme, et un sensible Mérovée, bon amant et bon fils. Rien non plus ne se prêtait moins au génie de Guiraud, un tendre, que la peinture de cette époque barbare. Aussi le manque d’originalité est le principal défaut ; commun au livret et à la musique ; c’est du « bon ordinaire ». On peut citer au deuxième acte l’air et le duo de Mérovée et de Brunehaut ; passons sur la scène du mariage, sur le chant de guerre de Mérovée. Le divertissement du troisième acte, médiocrement réglé, supérieurement dansé, n’est véritablement pas réussi ; malgré des réminiscences du ballet d’Henri VIII, le compositeur n’a pas su écrire de la musique dansante, principale qualité pour une musique de ballet ; un duo assez brillant au 4e tableau, et enfin le cinquième acte, qui aurait dû être dramatique et véhément et qui n’est que correct.

Si on a contesté les mérites de Frédégonde, qui est au demeurant un ouvrage de valeur, mais de forme austère, tout le monde a été d’accord sur la supériorité d’une interprétation hors ligne. Mademoiselle Bréval, fatiguée depuis plusieurs mois, n’a chanté le rôle de Brunehilde qu’à la répétition générale : elle est remplacée aujourd’hui par Mademoiselle Lafargue qui n’avait répété qu’une seule fois avec orchestre et qui s’est tirée très convenablement de cette lâche périlleuse. Mademoiselle Héglon a réellement triomphé dans Frédégonde ; sa voix généreuse, tour à tour tendre et vigoureuse, son charme et son talent de tragédienne lui ont valu les acclamations les plus enthousiastes.

Renaud a joué simplement — comme il le fallait à mon sens, puisque l’auteur a fait du roi des Francs un simple plutôt qu’un barbare — le rôle de Hilpérik. Alvarez est excellent en Merowig comme chanteur et comme comédien ; sa voix, toute de puissance et de charme, a fait merveille, soutenue encore par un jeu plein de chaleur et de conviction. Complimentons ensemble Fournels, Vaguet et Ballard, qui remplissent les rôles pitoyables de l’évêque Prétextat, du poète Forlunat et de Landeric, avec conscience et mérite. 

L’insuffisance de l’invention musicale et chorégraphique du divertissement ne doit pas nous rendre injustes envers Mlles Hirsch et Sandrini qui ont fait assaut de grâce, d’élégance et de talent.

Les décors, signés Chapeyron, Carpeyral, Jambon, Bailly et Amable, sont fort beaux ; l’orchestre, dirigé par M. Taffanel, et les chœurs, conduits par M. Delahaye, ont droit aux compliments dont ils sont coutumiers. 

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Composer

Ernest GUIRAUD

(1837 - 1892)

Composer, Organist, Pianist, Journalist

Camille SAINT-SAËNS

(1835 - 1921)

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/

Louis GALLET

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