Baigneuses au soleil
Sous-titrée Souvenir de Banyuls sur mer, cette brève pièce pour piano figure primitivement dans la suite Cerdaña, avant d’en être détachée par son auteur. Le titre lui-même atteste de la singularité et de l’audace de la pièce. Dans un enchaînement souple d’épisodes alanguis et étincelants, Séverac convoque l’image de corps étendus au soleil. La pièce débute dans un tempo « assez lent et un peu maniéré » par des sauts de quintes aux appogiatures trébuchantes qui installent une situation d’observation discrète et hésitante. Une montée de neuf triples croches dépassant l’octave crée une sensation de caresse qui suggère les embruns marins autant que le soleil rasant. Le mouvement se développe à travers des épisodes tour à tour lents ou plus animés dans un geste pianistique tantôt délicat, tantôt fougueux, mais toujours résolument sensuel. À ce toucher caressant et charnel s’oppose régulièrement des accords sforzando dans le registre aigu dont l’éclat semble brûler les peaux des baigneuses, ou des motifs aquatiques ruisselants. Le paroxysme de la pièce est atteint à l’indication « étincelant » où l’inspiration mélodique se fait plus chatoyante encore, avant une reprise du motif principal soumis à variations. Retrouvant son tempo initial, poussé par deux fois vers plus de lenteur, la pièce s’achève sous le miroitement d’une intense lumière. Dédiée à Alfred Cortot qui la considérait comme le point culminant de la recherche instrumentale de Séverac, l’œuvre est pourtant créée par Blanche Selva le 30 mars 1909 à Bruxelles.