Barcarolle no 1 op. 26
En quarante ans, treize barcarolles sortirent de la plume de Gabriel Fauré. Le compositeur se situa, ce faisant, dans le sillage de Frédéric Chopin. Avec sa magistrale Barcarolle de 1846, celui-ci avait donné ses lettres de noblesse au genre issu de la chanson de gondolier vénitien. Composée vers 1881, la première barcarolle de Fauré est encore d’un style gracieux et séduisant, prolongeant le romantisme, loin de l’ascèse de la dernière manière du musicien. Les deux mains se partagent une cantilène tendre et berceuse ; sans doute l’incarnation la plus littérale que l’on puisse trouver, chez Fauré, de la barcarolle en tant que chant d’inspiration folklorique. Dans les opus suivants, il ne subsistera du balancement de la gondole qu’une ondulation rythmique stylisée. Un deuxième thème plus passionné apparaît, dont les arpèges se conjuguent au premier, lorsque celui-ci revient. Dans la section centrale, l’ut majeur s’échauffe progressivement, avant le retour de la première partie. Auteur de l’essai La Musique française de piano, le pianiste Alfred Cortot entend dans cette première Barcarolle « une langueur mi-souriante, mi-mélancolique dont on ne sait au juste si elle voile un regret ou dissimule une coquetterie ». Il s’agit de l’une des rares œuvres de Fauré que l’on puisse entendre sous ses doigts, puisqu’il l’enregistra en 1913. Elle est dédiée à la pianiste Caroline Montigny-Rémaury, une élève de Liszt, proche de Saint-Saëns. C’est ce dernier qui créa la pièce, le 9 décembre 1882, à la Société nationale de musique.