La Bonne Chanson

Verlaine avait écrit La Bonne Chanson dans les mois précédant son mariage avec Mathilde Mauté de Fleurville. Une vingtaine d’années plus tard, Emma Bardac inspire à Fauré ce cycle de mélodies. Le compositeur pensait pourtant que ses Cinq Mélodies de Venise (1891) avaient « épuisé le Verlaine possible et musical ». Frémissant d’amour pour cette chanteuse amateur mariée (qui, après son divorce, épousera Debussy en 1908), il jette sur le papier huit mélodies entre août 1892 et août 1893. En mars 1894, il ajoute L’Hiver a cessé. Il s’est véritablement approprié le recueil de Verlaine dont il a sélectionné neuf des vingt-et-un poèmes, modifié l’ordre et coupé des strophes. Il a notamment éliminé les passages les plus sombres, pour privilégier des images susceptibles de motiver des sonorités claires et scintillantes. De subtils motifs cycliques unifient la partition qui, si l’on en croit Roger-Ducasse, a bénéficié des conseils avisés d’Emma. En 1923, Fauré se rappellera avec émotion cette époque en état de grâce : « Je n’ai rien écrit jamais aussi spontanément que La Bonne Chanson. Je puis, je dois ajouter que j’y ai été aidé par une spontanéité de compréhension au moins égale de la part de celle qui en est restée la plus émouvante interprète. Le plaisir de sentir vivre et s’animer ces petits feuillets au fur et à mesure que je les apportais, je ne l’ai plus rencontré jamais. » Avant que Jeanne Remacle ne crée le cycle à un concert de la Société nationale de musique, le 20 avril 1895, Maurice Bagès l’avait chanté chez la comtesse de Saussine le 25 avril 1894, avec le compositeur au piano. C’est ce même ténor qui interprétera l’adaptation de Fauré pour accompagnement de piano et quintette à cordes, à Londres, le 1^er avril 1898.