Jeux
Poème dansé en un acte créé au théâtre des Champs-Élysées le 15 mai 1913.
En juin 1912, alors que Vaslav Nijinski vient de chorégraphier le Prélude à L’Après-midi d’un faune, Serge de Diaghilev demande à Debussy de composer la musique de Jeux pour ses Ballets russes. Nijinski rédige l’argument, marivaudage entre un jeune homme et deux jeunes filles lors d’une partie de tennis nocturne. Debussy travaille avec une vitesse inhabituelle et achève la partition de piano dès septembre 1912, afin que les danseurs puissent répéter. En revanche, il ne termine l’orchestration qu’en avril 1913, peu avant la création, qui a lieu le 15 mai sous la direction de Pierre Monteux, au Théâtre des Champs-Élysées récemment inauguré. Léon Bakst signe les décors et les costumes, Nijinski la chorégraphie, qu’il interprète avec Tamara Karsavina et Ludmilla Schollar. Le spectacle ne suscite qu’indifférence, ce dont Debussy accuse le danseur russe : « Le génie pervers de Nijinski s’est ingénié à de spéciales mathématiques ! Cet homme additionne les triples croches avec ses pieds, fait la preuve avec ses bras, puis, subitement frappé d’hémiplégie, il regarde passer la musique d’un œil mauvais. » Le scandale retentissant du Sacre du printemps de Stravinsky, créé deux semaines plus tard dans la même salle, occultera longtemps la modernité de Jeux dont la musique, mystérieuse et fuyante, est fondée sur de brefs motifs, tels des élans lyriques brisés. Quelques passages au caractère de valse donnent de furtifs repères, aussitôt dérobés par l’extrême mobilité rythmique. Par le kaléidoscope des timbres, Debussy a réalisé son idéal d’un « orchestre sans pieds », d’une « couleur orchestrale qui semble éclairée par derrière et dont il y a de si merveilleux effets dans Parsifal ».
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