Kermaria

Trois ans après la création de la légende dramatique en trois actes, Saint Julien l’Hospitalier, Erlanger s’empare d’un nouveau récit légendaire. L’action de Kermaria se situe en 1799 à la fin de la guerre opposant les Chouans, insurgés royalistes de Bretagne, aux Républicains. Laissé pour mort au combat, le sergent républicain Yvon est recueilli à la ferme d’Alain et Annette, où leur fille Tiphaine lui prodigue les meilleurs soins. Mais lorsque Yann, le chef des Chouans, apprend la nouvelle et promet de tuer son rival, Tiphaine installe Yvon dans les ruines du château de Kermaria, où la légende de la Fille bleue le protégera de toute intrusion. On raconte en effet que cette cousine de la Dame blanche prédit l’arrivée d’un drame en jouant de l’orgue. C’est justement ce qu’il se produit lorsque les Chouans arrivent à Kermaria pour éliminer Yvon. Terrifiés, Yann et ses hommes se retirent, tandis qu’un moine ermite, replié de longue date dans les ruines pour expier ses fautes, bénit le jeune couple. Refusant tout développement inutile de l’action, les auteurs invitent à « écouter Kermaria avec recueillement ». Cette posture explique l’intérêt dramatique réduit de l’œuvre, mais semble également entacher la composition. Si l’orchestration se veut grandiloquente, notamment dans l’atmosphère fantastique qui brosse le décor des ruines de Kermaria, l’écriture vocale, volontiers novatrice, pousse les interprètes dans de vifs retranchements, parfois au détriment de la prosodie. Parmi les pages remarquées, citons le chœur invisible du prologue, la légende de la Fille bleue et son orgue mystérieux, ou encore le récit d’Yvon et son solo de cor. L’œuvre est créée le 8 février 1897 à l’Opéra-Comique, sous la direction musicale de Jules Danbé.