La Procession
Mélodie pour soprano ou ténor et orchestre sur une poésie d’Auguste Brizeux.
Créée le 27 avril 1889 à la Société nationale de musique par Éléonore Blanc (soprano) sous la direction du compositeur.
Dernière mélodie de Franck avec Les Cloches du soir, La Procession a été primitivement conçue avec accompagnement d’orchestre (cinq bois, deux cors, timbales, harpe et cordes). Proposé par l’avocat Paul Poujaud, ami et conseiller des franckistes, le texte, tiré des Histoires poétiques (1855) du poète breton Auguste Brizeux, s’accorde parfaitement avec l’image du pater seraphicus. Cette poésie naïvement mystique (le premier vers, « Dieu s’avance à travers les champs », fait allusion à l’ostensoir porté lors des processions de la Fête-Dieu) inspire à Franck un émouvant tableau de dévotion populaire, sans mièvrerie. Les premières mesures (Assez lent et solennel) installent un climat de recueillement, avec un thème en quartes descendantes discrètement modal, qui rappelle le choral de Prélude, Choral et Fugue. Contrastant avec le timbre agreste des vents, les cordes lancent ensuite un vibrant motif chromatique qui confirme la dualité harmonique de la pièce. Par sa franche simplicité et la subtilité de ses inflexions, la partie vocale tient à la fois du cantique et du récitatif. Le chant fait son entrée sur un bref fugato des cordes ; plus loin, Franck lui adjoint la mélodie grégorienne du Lauda Sion, séquence de la messe de la Fête-Dieu, sous forme de cantus firmus. À l’évocation du soleil, la voix s’exalte et l’orchestre s’enflamme en de lointaines modulations enharmoniques, avant un bref retour au recueillement initial et la reprise du premier vers associé au début du thème liturgique.