Rêve
Pour piano et violon
« Il est amer et doux, pendant les nuits d’hiver,
D’écouter, près du feu qui palpite et qui fume,
Les souvenirs lointains lentement s’élever
Au bruit des carillons qui chantent dans la brume. »
(Extrait de « La cloche fêlée », LXXVII, Spleen et idéal)
Quatre vers de Charles Baudelaire servent de programme à cette pièce très recueillie, comme religieuse, composée à la mémoire d’André Caplet, l’année de sa mort, en 1925. On se souvient de l’amitié qui lia les deux hommes dans l’attente quotidienne et fataliste de la mort, au sein de la 5e division du général Mangin. La paix ne les sépara que géographiquement, Caplet ne cessant de prodiguer à Durosoir ses encouragements à composer toujours davantage. L’hommage s’affirme d’emblée dans l’emprunt à « La cloche fêlée », poésie que Caplet avait lui-même mise en musique en 1922, couplée à un autre poème de Baudelaire, « La mort des pauvres ». Le tempo « Très lent », la distension des mesures à 9/4, les décalages rythmiques des parties sur valeurs lentes, la dilution des idées mélodiques dans un temps étiré comme indéfiniment confèrent à cette pièce une musicalité à la fois calme et inquiète, une ambiance onirique et poétique. Dernier message d’amitié, Rêve est aussi apaisement, surgissement des souvenirs, acceptation de l’inévitable.