Romances sans paroles op. 17
Éditées en 1880, ces pièces ont été composées par Fauré vers 1863 : il avait 18 ans, et étudiait encore à l’école Niedermeyer. Le pianiste Alfred Cortot avait raison d’écrire qu’elles sont « déjà tout emplies du parfum pénétrant qui émane [des] œuvres définitives » du compositeur, même si elles n’en ont pas encore la profondeur. Mais il est inutile de comparer les Romances aux grands nocturnes et aux barcarolles que Fauré écrira plus tard. De même qu’il est inutile de les déconsidérer : sous des apparences de simplicité, ces pièces sont des bijoux de grâce et touchent à la perfection. Leur inspiration est encore romantique – le genre de la « Romance sans parole » fait référence aux Lieder ohne Worte de Mendelssohn. Mais n’oublions pas que Fauré naquit en 1845. Ses Romances sont contemporaines des Troyens de Berlioz et des Pêcheurs de perles de Bizet… La courbe sinueuse de la première est indéniablement « fauréenne ». Accompagnée en syncopes, elle est escortée ici ou là d’une discrète voix médiane. L’ardeur de la deuxième romance évoque Schumann plus que Mendelssohn – Fauré admirait également les deux. Son chant, de rythme unique, est accompagné d’arpèges véhéments et ouvragés. La troisième romance est la plus charmeuse, mais des accents résignés s’y révèlent aussi. Ce morceau, signalons-le, fut l’un des préférés de Marcel Proust, qui le qualifia d’« enivrant ». Les deux premières romances furent créées par Pauline Roger, le 25 février 1881, à la Société nationale de musique, la troisième par Kasa Chatteleger, le 19 janvier 1889, dans le même cadre.