Symphonie fantastique

Amorcée en 1829, la Symphonie fantastique fut achevée en 1830, l’année d’Hernani de Victor Hugo, de la révolution de Juillet et de La Liberté guidant le peuple de Delacroix. Si le contexte historique suffirait à en faire un « manifeste » du romantisme français, la nature et la facture de la partition entérinent ce statut symbolique. Pour cette symphonie-drame en cinq mouvements, à l’image des cinq actes d’une tragédie, Berlioz a rédigé un programme de nature autobiographique, né de son amour inavoué pour l’actrice Harriet Smithson. Mais la dimension égotiste se combine à des figures obligées du romantisme (l’amour malheureux de l’artiste, la valse, la nature, la marche, le fantastique) et à des références littéraires dans l’air du temps : la Marche au supplice s’inspire du Dernier Jour d’un condamné de Hugo et des Confessions d’un Anglais mangeur d’opium de Thomas de Quincey, le Songe d’une nuit du sabbat de la « Ronde du sabbat » des Odes et Ballades de Hugo et du Faust de Goethe. Un long thème (l’« Idée fixe ») incarne la femme aimée. Il apparaît dans les cinq mouvements, fragmenté et transformé à partir du Bal, caricature grimaçante dans le finale (qui emploie de surcroît la mélodie du Dies irae liturgique de façon parodique). Mais c’est l’ensemble de la musique qui clame son refus des formes préétablies et ose des sonorités inouïes. « Les phrases les plus originales, les plus bizarres même » proclament le triomphe du « genre instrumental expressif » défini par Berlioz dans Le Correspondant du 22 octobre 1830, quelques semaines avant que le public ne découvre la Fantastique, créée le 5 décembre par l’orchestre de la Société des concerts du Conservatoire dirigé par Habeneck.