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Cinq-Mars

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CINQ-MARS
Drame lyrique en 4 actes et 5 tableaux, de MM. Paul Poirson et Louis Gallet,
Musique de M. Gounod – Costumes de M. Thomas – Décors de MM. Rubé, Chaperon, Lavaste ainé et Lavaste jeune.

L’épisode de Cinq-Mars est, grâce à Alfred de Vigny, un des plus connus du règne de Louis XIII.

Le grand cardinal fut assez jaloux de ce beau garçon de vingt-deux ans pour le frapper sans pitié, et les plis de sa robe rouge cachèrent une tache sanglante de plus.

Henri d’Effiat, marquis de Cinq-Mars, fut présenté au roi par Richelieu lui-même, pour amuser ce monarque si peu amusable.

Le cardinal voulait, en donnant au roi un ami jeune, beau, brillant, l’empêcher de chercher une distraction dans une autre liaison féminine, car Mademoiselle de Hautefort, qu’il venait enfin de faire disgracier, avait failli ruiner son pouvoir près du roi, et il ne voulait pas tenter une seconde épreuve, dans laquelle il aurait pu, cette fois, ne pas sortir vainqueur.

Admis par le roi dans l’intimité la plus grande, et sur le pied d’égalité parfaite, le jeune favori fut ébloui ; il se crut appelé à partager ce trône que Louis XIII occupait si peu, et commit l’orgueilleuse folie d’entrer en lutte avec la puissante main qui l’avait élevé et qui devait l’abattre, car lorsque Richelieu vit sa créature se dresser contre lui dans sa rayonnante jeunesse, il eut peur, et renversa lui-même ce qu’il avait créé.

Au milieu de cette vie si courte et si brillante, passe, comme un météore, la figure gracieuse et poétique de Marie de Gonzague ; cette jeune princesse qui fut deux fois reine de Pologne, et qui aima le grand écuyer au point de vouloir lui sacrifier un trône.

Cette situation toute pleine d’éblouissantes clartés et d’ombres terribles ; ce poème d’amour et de gloire aboutissant au drame sanglant de la place des Terreaux, devait tenter un poète comme Charles Gounod. L’auteur immortel de Faust nous devait encore un chef-d’œuvre. Il nous l’a donné.

Le drame lyrique de MM. Paul Poirson et Louis Gallet s’ouvre sur l’entrée de Cinq-Mars ; déjà courtisé comme un astre naissant, le jeune homme reçoit des conseils sur la conduite à tenir à la cour, dans un chœur : A la cour vous allez paraitre ! très élégant dans sa frivolité.

Cinq-Mars, resté seul avec de Thou, son ami, et interrogé par ce dernier sur sa tristesse, lui avoue son amour pour la princesse Marie.

Les deux amis obéissant à une idée superstitieuse, cherchent à lire leur destinée dans un livre ouvert au hasard ; de là le duo plein d’élan : On dit que le hasard nous livre ! Ils tombent sur cette sentence : Ils furent tous les deux frappés du même glaive ! Ce duo, terminé par un mot de résignation : Ainsi soit-il ! est un grand effet.

Marie de Gonzague entre sur ce finale, entourée de la cour de Saint-Germain. On sait déjà que Richelieu veut lui faire épouser le roi de Pologne, et les courtisans la saluent par un chœur d’un bel accord : Reine ! vous serez reine ! Mais Marie, que surveille le père Joseph, l’âme damnée du cardinal, ne pense qu’à Henri, et c’est avec un grand trouble qu’elle entend ce dernier, prenant congé d’elle dans une génuflexion pleine de respect, lui demander en grâce de se trouver seule, à la nuit, dans cette même salle, avant son départ.

Le chœur des courtisans prenant congé de Cinq-Mars : Allez par la nuit claire, beau voyageur ! est d’une mélodie charmante.

Le poème d’amour commence avec l’arrivée de Marie dans cette salle immense, inondée de lumière sur un point seulement : la porte du fond, donnant sur les jardins et par laquelle se précipite un large rayon de lune.

Ce décor est bien fait pour inspirer ce cri de l’âme, cette invocation à la nuit, que jette Marie dans la cavatine : Nuit resplendissante ! et à l’arrivée de Henri le duo si plein de charme : Faut-il donc oublier les beaux jours envolés ! dans lequel les deux amants se jurent de s’aimer et de ne céder que devant la mort. – Cette étreinte passionnée finit admirablement le premier acte.

Le deuxième acte est en deux parties. Le premier tableau, à la Cour de Saint-Germain, nous montre Cinq-Mars dans toute sa puissance : favori du roi, grand écuyer, adulé, courtisé de tous. À son entrée, le petit chœur des courtisans-quémandeurs : Ah ! Monsieur le grand écuyer, permettez que l’on vous salue ! est très-amusant.

On fait bisser la chanson de Fontrailles : On ne verra plus dans Paris tant de plumes ni de moustaches ! qui est d’un archaïsme très-réussi.

Quel charme dans l’andante en fade la cavatine : Quand vous m’avez dit un jour : soyez fort ! que chante Cinq-Mars à Marie. Mais le couronnement de ce tableau est le grand trio dans lequel le père Joseph vient, au nom du cardinal, ordonner aux deux amants une rupture immédiate. – Cinq‑Mars s’indigne et jette son défi au cardinal dans ce cri de révolte : Je n’obéirai pas ! qui termine ce tableau.

C’est une superbe scène musicale.

À cette page ardente succède la scène ravissante du bal chez Marion.

Rien de charmant comme le voyage au pays de Tendre : Berger, voulez-vous connaître le pays dont l’amour est maître ? madrigal chanté par Marion. – La pastorale de l’Astrée, divertissement qui vient ensuite, est une perle.

Les phrases musicales ruissellent en cascade de notes dans l’orchestre, répondant aux voix de la scène.

Les nuances des costumes blancs et roses se fondent avec le vaporeux du décor et lui donnent un aspect fantastique dans le bleu foncé du soir. Ces couleurs tendres s’effacent peu à peu dans un mélange de costumes noirs se glissant parmi les invités ; l’un après l’autre ces derniers disparaissent, et le théâtre se trouve plein de figures sombres de conspirateurs.

Cette scène s’ouvre sur le chœur mystérieux : Viendra-t-il !

La passion croissante des conjurés est traduite par l’orchestre en gammes furieuses. C’est comme un orage au loin. Peu à peu cela monte, gronde, et éclate en une fanfare immense : Sauvons le roi, sauvons la noblesse et la France ! Cinq-Mars se met à la tête de cette conspiration contre Richelieu et promet l’alliance de l’Espagne. Le chœur est coupé par la protestation de de Thou : Ah ! je comprends vote colère ! protestation inutile et bientôt étouffée sous la reprise du chœur.

Le troisième acte nous emmène dans la forêt de Saint-Germain. Il y a la chasse royale, on entend au loin une fanfare d’un très-joli effet.

Henri et Marie de Gonzague se rencontrent près d’une chapelle en forêt, où ils doivent, devant tous les amis de Cinq-Mars, échanger l’anneau de fiancés.

Le trio passionné entre les deux amants et de Thou : Ah ! venez que devant l’autel… est un vrai cri d’amour.

Pendant leur séjour dans la chapelle, le père Joseph, toujours attaché à leurs pas, et qui connait toute la conspiration, rôde autour comme un loup aux aguets. Le morceau : Dans une trame invisible est d’une grande et puissante originalité ; on sent bien la haine profonde portée par cet homme à tout ce qui est jeune et beau.

De même pour le duo sombre où le père Joseph arrache à Marie le consentement à son mariage avec le roi de Pologne, en feignant de lui accorder la grâce de Cinq-Mars à cette condition.

L’acte se termine sur l’entrée de toute la chasse royale, Louis XIII en tête. Pendant qu’on sonne l’hallali ! le père Joseph apprend au roi la complicité de Cinq-Mars. Pauvre Marie !

Nous voici à l’épilogue : la prison ! Cinq-Mars et de Thou, ces deux amis inséparables, sont là, attendant la mort et se consolant l’un et l’autre. Le souvenir toujours vivant de Marie amène une mélodie d’une douceur infinie, vision du passé, devant le portrait de la princesse ; la phrase en ré‑bémol : Oh ! chère et vivante image ! de cette cavatine est bien jolie.

Mais une porte s’ouvre ; Marie entre ! Elle a gagné les gardiens ; au matin un bateau doit les attendre au guichet du Rhône ; et ils fuiront tous trois, en Italie, au bout du monde, n’importe ; où l’on puisse s’aimer.

On a bissé le joli duo de la réunion des deux amants : A ta voix le ciel s’est ouvert !

Les deux amis restent seuls et une même pensée les ramène à ce souvenir du premier acte : Ils furent tous les deux frappés du même glaive !

À ce moment on entend monter. Est-ce Marie ? Non ! Les battants de la porte s’ouvrent, et apparait le grand chancelier avec tout l’attirail de mort : moines en cagoules, bourreau, etc.

Le cardinal a peur que ses victimes lui échappent : il a avancé l’exécution et c’est au milieu de la nuit qu’on vient les chercher.

Les rangs de pénitents s’ouvrent, et le père Joseph, cette incarnation de leur fatalité, leur jette ces mots : Préparez-vous à mourir, Messieurs !

Les deux victimes enlacées marchent au supplice l’âme emportée dans une extase céleste, traduite par un finale à l’unisson de toute beauté : Seigneur, soutiens noter âme chancelante !

Ils disparaissent dans la voûte béante quand Marie entre par la poterne ; elle vient les sauver. Trop tard !... Elle voit son amant s’éloigner au milieu de l’appareil de mort, ne jette qu’un cri et tombe !...

Sur cette scène plane le père Joseph, qui sort le dernier, après avoir jeté un regard de triomphe sur Marie inanimée.

Mlle Chevrier, une débutante, élève de Duprez, est jolie et sympathique dans le rôle de Marie. Sa voix possède un grand charme et elle s’est adorablement tirée de cette rude épreuve.

M. Dereims, lui, n’est pas tout à fait un débutant pour nous qui l’avons déjà entendu au théâtre de l’Athénée ; l’instrument sonne bien et il chante avec beaucoup de chaleur le rôle difficile de Cinq‑Mars.

M. Giraudet est en progrès ; la voix est bien posée et bien timbrée. Il a donné un grand relief au personnage sombre du père Joseph.

M. Stéphanne fait ressortir le rôle un peu effacé de de Thou ; le troisième acte surtout est pour lui un succès.

Mme Frank-Duvernois vocalise toujours admirablement : Marion nous l’a bien prouvé.

Barré s’est très-bien tiré de la chanson de Fontrailles et Mlle Lévy est très-gentille dans le berger-chantant du deuxième acte.

M. Carvalho a monté cette pièce avec son goût et sa science du théâtre si connus. Les costumes sont brillants et vrais ; le velours, la soie, les dentelles, il n’a rien épargné pour faire au tableau un cadre digne de lui.

Les décors de MM. Rubé, Chaperon et Lavaste sont très-beaux, surtout la grande salle du premier acte et au troisième la forêt de Saint-Germain.

E. GRAND

Nota. – Se rapporter pour la figuration aux costumes des rôles en variant les couleurs.

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Composer

Charles GOUNOD

(1818 - 1893)

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/

Paul POIRSON Louis GALLET

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publication date : 19/10/23