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Premières représentations. Hulda

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PREMIÈRES REPRÉSENTATIONS
THÉÂTRE DU KURSAAL DE MONTE-CARLO. — Hulda, opéra en quatre actes et un épilogue, d’après Bjœrnstjerne Bjœrnson. Poème de M. Ch. Grandmougin ; musique de César Franck.
(PAR DÉPÊCHE)

Monte-Carlo, 4 mars.

Le bilan du drame lyrique en France durant la saison d’hiver 1893-94 est facile à dresser.

Deux œuvres françaises inédites ont été représentées : l’une, l’Attaque du Moulin, par M. Carvalho à l’Opéra-Comique ; l’autre, Hulda, par M. Raoul Gunsbourg, sur le théâtre de Monte-Carlo.

Nous avons eu déjà l’occasion de louer l’initiative de M. Gunsbourg. Cette qualité n’est point assez commune pour que nous en ignorions le prix. Nous savons que le monde ne vit pas de négations et que les hommes d’action sont nécessairement en butte aux railleries des contemplatifs. Mais les faits ont une irréfragable éloquence ; c’est ainsi que les amis de l’art ne songent guère à contester l’intérêt qui accompagne la mise en scène et l’exécution de l’opéra de César Franck.

La notoriété de Franck s’est considérablement étendue depuis quelques années, grâce à la valeur de ses œuvres, grâce surtout à ses élèves, ses amis, qui font cortège à sa renommée comme jadis à leur maître les disciples des artistes célèbres de la Renaissance. Un tel respect honore sa mémoire.

Franck était, en effet, avant tout, homme de science et de conscience. Dans un temps comme le nôtre, où la poursuite acharnée du succès fait taire tout scrupule dans le choix des moyens, il offrit l’exemple rare et réconfortant de la probité artistique la plus scrupuleuse.

On peut sans défiance, ouvrir une partition de ce maître : on est sûr d’y retrouver sa personnalité, la pureté de la forme et une richesse exubérante de développements. Il vénérait l’art et dédaignait l’artifice. Ses études et ses goûts le portaient de préférence vers la musique pure, vers la symphonie ; mais il savait aussi que sa connaissance approfondie du domaine musical lui permettait d’aborder tous les genres.

À une date déjà lointaine (1848), il avait écrit le Valet de ferme, pour la scène lyrique que régentait Ad. Adam. Hulda est le résultat d’un effort plus concentré : cet essai nous semble un coup de maître. Terminée en 1885, l’œuvre est demeurée inconnue jusqu’à ce jour, à l’exception de quelques fragments du ballet, exécutés dans des concerts à Anvers et dans la salle du Trocadéro.

Le sujet, tiré d’une légende norvégienne, est sans intérêt et surtout sans lumière. Nous le regrettons, car il accentue le sérieux des regards que le maître jetait sans cesse sur son monde intérieur.

La scène se passe en Norwège au onzième siècle. Un chef de clan, Hustawick, est tué par les guerriers d’un autre clan, celui des Aslaks qui réduisent en servitude les membres de la famille vaincue, parmi lesquels la belle Hulda. L’aîné des Aslaks, Gudleik, tombe amoureux d’Hulda et l’épouse contre le gré de tous. Hulda fait tuer son mari par le beau chevalier Eiolf, marié lui-même à la gracieuse Swanhilde. Après quelques mois de relations adultères, Eiolf revient à sa femme et délaisse Hulda, qui le fait tuer par les Aslaks. Au moment de traiter de même sorte cette méchante femme, les Aslaks sont tués par les gens d’Eiolf. Il ne reste plus a Hulda qu’à se tuer elle-même en se jetant dans les flots.

Cet aimable scénario met en mouvement trois paires de fiancés ou d’époux dont il est fait un bien mauvais usage : Hulda et Gudleik, Swanhilde et Eiolf, Thordis et Gunnard, ce dernier couple inutile, au point qu’une terrible coupure dans leurs parties de chant les réduit au silence, au grand avantage de la progression de l’action. Les autres personnages ne valent guère la peine d’être nommés. Il faut avoir de la musique plein le ventre, selon une expression vulgaire, pour donner la vie à de tels fantoches. Franck a opéré ce miracle.

On n’attend pas de nous de vanter l’orchestre d’un maître de l’orchestre. La main puissante qui sut, avec une inépuisable fantaisie, étaler, sur la palette des sons, les couleurs des timbres depuis les nuances les plus délicates jusqu’aux plus éclatantes, a, de même, disposé en un irréprochable équilibre ces éléments constituants de l’effet.

Soit qu’il accompagne les voix, soit qu’il se déploie seul en d’audacieuses fantaisies d’imagination, l’orchestre de Franck reste un modèle d’appropriation aux scènes développées et à leur évolution. Citons à cet égard le prélude du premier acte, l’entr’acte du troisième acte, la marche et le chœur du commencement du quatrième acte, et le ballet allégorique de l’Hiver et du Printemps.

La forme de l’œuvre est originale. Franck n’use pas des leitmotive. Les morceaux se rattachent les uns aux autres sans perdre entièrement leur individualité. L’air, le duo, le chœur ne sont points proscrits, mais reçoivent une signification nouvelle. Rien de moins banal que les rythmes et les harmonies où les personnes peu familières avec le style de Franck imagineraient découvrir quelque recherche.

Le caractère le plus énergiquement dessiné est celui d’Hulda. Comme on ne peut multiplier à l’infini les types au théâtre, la fille d’Hustawick paraîtra peut-être proche parente d’Ortrude.

Signalons dans cette œuvre touffue quelques pages hors de pair : la Chanson de l’Hermine, chœur de femmes pauvrement rendu ; l’aspiration d’Hulda, oraison jaculatoire d’amour : O toi qui m’apparus ; le chœur qui termine le deuxième acte : Adieu, guerrier superbe ; les deux duos d’Eiolf avec Hulda et Swanhilde, ce dernier d’une passion admirable.

L’abondance de personnages ne libère pas Hulda du poids de la pièce, qui repose en grande partie sur elle. Mme Deschamps-Jéhin réalise avec talent ce type puissant. La robustesse de sa magnifique voix lui permet de satisfaire sans effort aux exigences du rôle.

Touchante est Mme d’Alba, dans le personnage de Swanhilde, qu’elle interprète avec goût, en véritable musicienne.

Compliments à Mme Mounier, sous les attifements de la mère d’Hulda, et à Mlle Risler, sous ceux de la mère des Aslaks.

Le style de M. Saléza (Eiolf), très soutenu dans la déclamation, se révèle souple et passionné dans les gradations d’accents du dernier duo avec Swanhilde.

Les autres interprètes, épisodiques ou secondaires, s’acquittent convenablement de leur tâche.

Les chœurs d’hommes fonctionnent presque irréprochables. Nous voudrions en dire autant des choristes femmes.

L’orchestre s’est surpassé sous la direction de son chef Jéhin.

La mise en scène et les effets qu’elle comporte ont été l’objet d’une étude sérieuse de la part de M. Gunsbourg, qui s’est assuré le précieux concours de Mme Zucchi pour la mimique du ballet allégorique. Le public est pris de la sorte par les yeux autant que par les oreilles.

En voyant Hulda grandir sa renommée d’imprésario, M. Gunsbourg pourra sans fatuité vaine s’appliquer à lui-même la devise célèbre : Quo non ascendam ?

F. RÉGNIER.

P. S. — Le public a fait à l’œuvre un accueil enthousiaste, surtout au troisième acte et au duo qui le termine. Mme Deschamps-Jéhin et M. Saleza ont été l’objet d’une ovation méritée.

R.

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Composer, Organist, Pianist

César FRANCK

(1822 - 1890)

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