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Première de Roma

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Première de « Roma ».

Il y a, dans le soin que la direction de l’Opéra a apporté à la présentation de Roma, plus que le souci de bien montrer une œuvre. Il y a de la déférence.

La préoccupation de lui donner, un cadre splendide et une exécution de premier ordre, s’inspire de tout le respect dû au Maître qui, depuis près d’un demi-siècle, depuis que le jeune Massenet sentit sur son visage d’adolescent la joue rugueuse de Berlioz qui l’embrassait en lui annonçant qu’il avait le prix de Rome, fait passer dans l’âme du public, le souffle de sa féconde inspiration.

Le cadre dans lequel se déroule l’action de Roma est magnifique, et l’interprétation, que j’ai détaillée mardi, offre des éléments de premier ordre.

J’ai dit déjà que mes préférences vont au décor du « Bois sacré ».

Distingué de tonalité, il possède, à mon avis, la grande qualité de viser beaucoup plus à l’harmonie picturale et décorative, à la composition d’un caractère élevé, qu’à l’illusion de la réalité et du trompe-l’œil.

L’effet en est saisissant.

MM. Rochette et Landrin ont évité un grave écueil que rencontreront toujours les décorateurs de théâtre ; quand ils voudront se libérer complètement des nécessités de la vie et du mouvement que comporte la scène, et ne chercher que la seule impression de la peinture décorative.

Il faut penser, en effet, qu’un décor ne saurait se passer d’offrir en partie, une certaine illusion de la réalité par le seul fait que l’on est appelé à y placer des meubles, des objets, des choses d’une nature matérielle qui doivent se fondre avec l’ensemble, sous peine de faire autant de taches brutales. Il faut songer surtout qu’un décor est destiné à servir de champ d’action à des humains auxquels, quoi qu’on fasse, on ne parviendra jamais à donner l’aspect de l’irréalité. Tous les essais d’apothose ou d’apparitions fantastiques, même les plus réussis, sont là pour prouver la nécessité d’asservir le décor à la manifestation de la vie.

Le « Bois sacré » contient toute l’ambiance voulue pour donner l’impression d’une calme retraite où s’abrite le sanctuaire de la déesse Vesta. Il y a juste assez de précision dans les détails pour que ne se détachent pas trop : le puits du premier plan, l’entrée du souterrain, les trépieds qui bordent la voie conduisant au temple, et enfin, les personnages qui s’idéalisent par des costumes que M. Pinchon a harmonisés dans l’ensemble, avec beaucoup de tact.

C’est un jeu de scène fort simple que M. Stuart a trouvé pour le prélude du « Bois sacré » qui se joue le rideau levé. Il est parfait. Le seul passage de cette blanche théorie de jeunes filles qui arrive du fond en suivant le sentier tracé dans l’herbe émaillée de fleurs, et disparaît dans le Temple, ajoute quelque chose de mystérieux que n’aurait certainement pas tout autre jeu de scène plus long et plus mouvementé.

Je reconnais très volontiers les belles qualités de peinture du Forum de M. Simas. Il est, en effet, puissant de coloration, baigné par la lumière chaude d’un soleil sur le déclin ; mais, il n’est pas très heureusement groupé. Les constructions par trop serrées les unes contre les autres donnent une sensation d’entassement et d’étroitesse, au point qu’il y a quelque anomalie entre cet espace restreint et encombré et la masse considérable de peuple qu’il contient.

Avec le quatrième acte, c’est la rigidité classique de l’intérieur de la Curia Hostilia.

Là tout est net et précis. La sévère architecture romaine ne s’accommode d’aucune fantaisie, et d’aucune liberté. Il fait froid dans ce vaste hémicycle où siègent les sénateurs tout de blanc habillés, sur lesquels le voile de deuil qui couvre Fausta, et la tache grise du costume de Posthumia viennent jeter une tache sinistre. Car, là, tout est poignant. C’est une situation horrible que celle de cette aïeule qui se traîne à terre, clamant sa douleur et protestant contre une sentence de mort dictée par les dieux. Mlle Lucy Arbell la joue avec une grande expression pathétique. Sa voix aux sonorités profondes et aux inflexions particulières, son incontestable solidité ainsi que la manière très musicale avec laquelle elle la conduit, dégagent tout ce que le maître Massenet a voulu mettre de tragique dans la déclamation. Cette scène s’amplifie de l’opposition de caractère des trois principaux personnages. À côté de la vieille Posthumia dont le cœur de mère est déchiré, Fausta, si personnifiée avec tant d’art par Mme Kousnezoff, est prête au sacrifice ; Fabius que M. Delmas exprime avec tant de grandiose conviction, est un justicier inflexible pour sa fille adoptive.

Je dois, en outre des quatre rappels qui accueillirent la fin du quatrième acte, souligner les applaudissements qui ont salué le nom du maître, quand, selon la tradition, M. Stuart vint faire connaître les auteurs de Roma, après le cinquième. Ils lui iront certainement au cœur, et ne manquera pas d’associer à son succès, ses vaillants interprètes : Mme Kousnezoff, Mlles Lucy Arbell, Campredon, Le Senne, Courbières ; MM. Muratore, Delmas, Journet, Noté, Carrié, Rey ; et, au premier rang, M. Paul Vidal, qui dirige la phalange orchestrale.

L. BORGEX.

Hier, par train spécial, venant de Monte-Carlo, sont arrivés à Paris, trente-sept wagons contenant les décors et les costumes destinés aux représentations de gala.

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