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Académie impériale de musique. La Vestale

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ACADÉMIE IMPÉRIALE DE MUSIQUE.
Vendredi 18 décembre, la 2e représ. de la Vestale, opéra en 3 actes.

La Vestale – Les vestales ont joui dans l’antiquité d’une si haute réputation de vertu, que leur nom est devenu un titre d’honneur. Dans l’espace de onze cents ans que dura leur institution, on n’en compte pas vingt qui aient forfait à leur devoir ; c’est bien peu, si toutes les coupables ont été atteintes. Les Romains n’ignoraient pas combien il était difficile d’exiger d’une femme qu’elle renonçât pendant trente ans aux affections de la nature ; aussi avoient-ils réduit le nombre des vestales à six : on en trouvera bien davantage dans le nouvel opéra ; mais c’est qu’à l’opéra on n’est pas si exigeant qu’à Rome, et qu’il n’y a rien à craindre pour celle des prêtresses qui serait dans le cas de Julia.

Julia est l’héroïne de la pièce. Elle aimait Licinius avant de faire ses vœux, ce qui est un peu difficile à croire, puisqu’aucune vestale ne pouvoit être admise quand elle avait plus de dix ans. Licinius aimait aussi beaucoup Julia, mais la famille des Jules était trop fière pour admettre un plébéien dans ses rangs. Le plébéien va aux camps, s’illustre par ses exploits et les honneurs du triomphe lui sont décernés. C’est ici que le poëme commence.

Au premier acte, la scène représente le Forum. Sur la gauche, la partie du temple de Vesta où logoient les Vestales. Vis-à-vis le temple, le palais de Numa, et une partie du bois qui l’entoure. Le fond représente le mont Palatin et les rives du Tibre. On aperçoit les préparatifs d’une fête triomphale.

Licinius paraît le premier, c’est le héros qui doit recevoir les honneurs du triomphe ; il est accompagné de Cinna son ami et son confident. Il soupire, et Cinna lui en demande la raison ; – C’est l’amour. Licinius raconte alors qu’avant de partir pour l’armée, il brûlait d’une vive ardeur pour la jeune Julia ; mais il était d’un rang trop obscur pour que la famille des Jules voulût lui donner une épouse de son sang. Il se rendit au camp, et résolut, de s’illustrer par les plus glorieux exploits et de revenir couvert de gloire et chargé d’honneurs. 

Mais depuis cinq ans d’absence, tout espoir est perdu pour lui ; Julia est entrée dans l’ordre des vestales, et c’est là le sujet de ses sanglots. Cependant il lui reste encore un parti, c’est d’enlever sa maîtresse. Cinna frémit à ce mot et fait a son ami de fort sages remontrances. Mais qui pourrait se flatter de convertir un cœur amoureux ? Licinius persiste donc dans sa résolution, et Cinna se charge de le seconder. Cependant tout se prépare pour le triomphe. Licinius et son ami se retirent, et les vestales s’avancent en chantant l’hymne du matin. Julia est au milieu d’elles, mais fort triste ; la grande vestale lui fait des représentations, et pour lui remonter le cœur déclame une longue invective contre l’amour.

Cette amplification ne convertit point Julia ; elle demande la permission de se retirer, mais la grande vestale lui représente que la loi lui confie l’honneur de couronner le héros triomphateur. Bientôt le char s’avance ; il est précédé d’une foule de peuple à la suite duquel viennent les prêtres des différens temples, les sénateurs, les consuls, les matrones, etc. Ce spectacle est d’un très-bel effet, même après le luxe et la pompe de celui de Trajan. Les vestales prennent place ; les chœurs chantent des hymnes de triomphe ; le vainqueur paraît. À la vue de Julia, il ne songe plus qu’à son amour ; mais Cinna l’avertit de se bien conduire. Il descend ; Julia traverse la scène, monte sur l’estrade d’un pas chancelant, et déposant sur la tête du vainqueur la couronne qui lui est décernée, lui renouvelle une déclaration.

Licinius profile de l’occasion pour donner un rendez-vous à la vestale ; mais le consul survient, et pour rompre cette entrevue, emmène le héros et sa suite au capitole. 

Au second acte, le théâtre représente l’intérieur du temple ; les vestales chantent l’hymne du soir, et après avoir remis à Julia la verge d’or pour attiser le feu, elles se retirent Licinius ne tarde pas à venir. Cinna fait sentinelle ; les deux amans s’entretiennent de leurs feux ; quelque mouvement se fait autour du temple ; Cinna accourt avertir Licinius ; la prêtresse se retire précipitamment vers l’autel, mais le feu est éteint ; la vestale s’évanouit ; Licinius s’évade, et promet de revenir avec mainforte. 

La foule du peuple grossit, le grand-prêtre, les prêtres du second ordre, les vestales arrivent ; Julia avoue son crime, et le souverain pontife prononce son arrêt ; on la dépouille de ses ornemens et on l’entraîne. 

Au troisième acte, la scène est transférée au champ d’exécration. On y voit trois tombes, dont l’une renferme les restes d’une vestale condamnée à mort. Licinius vient contempler les préparatifs du supplice. Cinna, qu’il avait chargé d’intéresser l’armée au sort de Julia, annonce que les soldats ont refusé de la défendre ; il conseille au héros de s’adresser au grand-prêtre : le grand-prêtre reste inexorable. Licinius se retire en menaçant : la vestale paroît la tête enveloppée d’un voile noir ; elle est accompagnée des autres vestales. Après une prière au ciel, elle marche vers sa tombe, et y descend ; le souverain pontife demande qu’on suspende sa robe, pour s’assurer si Vesta ne pardonne point à sa prêtresse. En ce moment le ciel se couvre de nuages, le tonnerre gronde, Licinius accourt suivi de ses amis armés, il s’avoue coupable : les prêtres demandant sa mort ; le tonnerre continue, la foudre s’élance des nues et embrâse [sic] la robe de la vestale. À ce miracle, l’espérance renaît, et le grand-prêtre déclare que la déesse est satisfaite. On marie la vestale, et au lieu d’assister à un enterrement, toute l’assemblée va à la noce. 

S’il s’agissait de juger un opéra comme une tragédie, la critique aurait ici un beau champ ouvert. Comment supposer qu’un héros s’oublie jusqu’à donner un rendez-vous à une vestale au milieu du triomphe ? Comment concevoir qu’après s’être rendu au temple pour enlever la vestale, il l’abandonne au moment où il y a quelque danger pour lui ; comment imaginer que le souverain pontife devient tout à coup un fanatique digne de présider l’Inquisition de Goa ? Ne sait-on pas que les prêtres de Rome étaient des magistrats et non pas des moines ? On pourrait aussi faire des observations sur le dénouement, si peu conforme aux règles de l’art, et sur le style de la pièce, souvent très négligé. 

Mais l’auteur répondra à toutes ces objections par le succès brillant et complet qu’il a obtenu, par les effets de théâtre qu’il a calculés et qui lui ont pleinement réussi.

La musique, les ballets, les décorations et l’intérêt du sujet, occupent singulièrement l’attention et la curiosité du spectateur, la musique surtout est la partie brillante du nouvel opéra, et l’une des causes les plus efficaces de son succès. M. Spontini, qui en est l’auteur, est un élève distingué de Cimarosa ; il s’est déjà fait connoître d’une manière très-avantageuse : en France et en Italie, nous lui devons la Finta filosofa à l’Opéra-Buffa, et Milton à l’Opéra-Comique : il n’a pas trente ans, et l’on connaît de lui vingt ouvrages. La musique de la Vestale mettra le sceau à sa réputation. On y trouve une variété de couleurs, une intelligence, des effets et des mouvemens tragiques dignes des plus grands maîtres. Le premier acte offre la réunion du style noble, religieux et militaire. La gaîté populaire, sans s’écarter de la grâce et de la noblesse, brille dans les airs du triomphe et des ballets. Le second acte a réuni tous les suffrages ; c’est le plus riche en effets de théâtres et de mélodie ; le ton en est passionné, brûlant, tel que doit l’être le délire de deux amans qui sacrifient tout à leur amour. Le troisième acte est d’un caractère moins riche, et peut-être moins assorti à la situation ; mais le pardon que les dieux accordent, amène l’expression la plus touchante de bonheur et de reconnaissance. On doit aussi des éloges aux soins que le compositeur a pris des chœurs et de l’orchestre. L’orchestre accompagne dans toute l’exactitude du terme, et les chœurs chantent avec tant de mélodie et d’ensemble, que soixante voix à la fois se combinent comme si chaque partie n’était exécutée que par vue seule voix. 

Lays s’est fait remarquer par la beauté de son chant dans le rôle de Cinna, Lainez comme acteur dans celui de Lucinius ; Mademoiselle Maillard a représenté la grande Vestale avec beaucoup de force et de dignité ; mais Mme Branchu, surtout, n’a pas eu de rôle où elle ait mieux développé toutes les richesses de sa voix, ce qui tait honneur à la-fois au musicien, à la cantatrice, à son maître Garat, qui a fait ce beau présent à la scène française. 

Il nous reste à parler des ballets ; qui ont droit aussi à leur part d’éloges ; ils seront l’objet d’un second article. L’auteur du poème est M. Jouy. Ce qui a complété le succès de cette brillante soirée, c’est la présence de l’Impératrice, qui est arrivée à sept heures et qui a été reçue avec un enthousiasme dont les effets se sont prolongés de la manière la plus propre à lui témoigner les sentiments qu’elle inspire. S M. n’a pu elle-même dissimuler la vive émotion qu’elle a ressentie de ces transports unanimes.

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Composer

Gaspare SPONTINI

(1774 - 1851)

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Gaspare SPONTINI

/

Étienne de JOUY

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