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Les Deux Jaloux de Gail

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SPECTACLES. 
THÉÂTRE DE L’OPÉRA-COMIQUE. 
Première représentation des Deux Jaloux, opéra-comique, musique de Mme. ***, paroles (imitées de Dufresny) de M. ***. 

Le succès de la pièce nouvelle a été complet ; mais aussi faut-il dire qu’indépendamment du mérite de l’ouvrage, tout semblait se réunir pour disposer le parterre en faveur des Deux Jaloux. On avait joué d’abord l’Opéra-Comique, dans lequel il s’agit d’une pièce composée par un tuteur et par sa pupille : le tuteur est le poëte, et la jeune pupille la musicienne. À l’âge et au degré de parenté près, le public, prévenu depuis quelque temps du début de Mme *** a pu retrouver avec la situation des auteurs de l’ouvrage nouveau, plusieurs traits de ressemblance et saisir même des allusions. 

L’orchestre, qui, depuis sa fondation, s’était fait une loi de parler toujours plus haut que les acteurs, a bien voulu sacrifier un peu, cette fois, son amour-propre au succès des Deux Jaloux. Les accompagnements n’ont rien fait perdre des paroles, et, l’ouverture a été exécutée avec beaucoup de goût. C’est encore pour Mme. *** un bien grand triomphe que d’avoir donné à des musiciens d’orchestre de l’âme et de l’oreille : elle a presque opéré une conversion. 

L’intrigue des Deux Jaloux, est simple, mais elle est agréable : le dialogue ne manque ni d’esprit, ni de gaieté ; il est semé de traits heureux, et le jeu des acteurs les a fait heureusement ressortir. La scène se passe à la campagne, chez un président, le plus jaloux de tous les hommes ; les autres personnages sont : la femme du président ; Lucie, sa pupille ; Damis, jeune officier, amoureux de Lucie ; Thibault, jardinier du président, et dont on a fait le second jaloux ; Fanchelte, jeune paysanne, un peu coquette et fort éveillée ; enfin, un Frontin, rival de Thibault, rôle obligé, dans toutes les comédies d’intrigue, depuis, je crois, l’époque à laquelle on cessa de jouer des mystères. 

Damis a rencontré dans un bal, à la ville, Mme la présidente ; et, par une erreur assez peu vraisemblable, il a pris la tante pour la nièce, et a fait à l’une la déclaration qu’il destinait à l’autre. On peut remarquer, en passant, que Mme Belmont remplit le rôle de la présidente, et Mme Moreau joue celui de Lucie ; la différence qui existe entre la taille de ces dames n’est pas facile à confondre ; mais l’amour est aveugle, et puisqu’il fallait, pour bâtir une pièce, que Mme Belmont ressemblât à Mme Moreau, le public doit être fort content d’en passer par là. 

Quoi qu’il en soit, le président se garde bien de croire que la déclaration de Damis soit l’effet d’une méprise. Persuadé qu’on en veut à sa femme, et tourmenté de visions non moins étranges que celles de Sganarelle, il profite de la jalousie de son valet pour éclairer ou plutôt pour augmenter la sienne. Thibault, qui a vu rôder Damis autour du château, pense qu’il veut séduire Fanchette ; le président croit, de son côté, que Damis veut séduire sa femme. Les inquiétudes des deux jaloux et leurs confidences forcées donnent lieu à quelques scènes d’un bon comique. 

Mais pour la morale de l’ouvrage, il fallait une punition aux deux jaloux, et l’auteur n’a pas manqué de la leur infliger. Le président, voulant observer plus facilement ce qui se passe au château, feint de travailler dans un petit pavillon placé à l’extrémité du parc, mais après avoir installé Thibault à sa place, il va faire le guet et commence sa ronde. Thibault, enveloppé dans la robe de chambre de son maître, cause encore une méprise : Fanchette le prend pour le président et vient lui déclarer qu’elle épouser Frontin plutôt que Thibault, parce que l’un est aimable et galant, tandis que l’autre est colère, brutal et jaloux. Le malheureux Thibault murmure sans oser répondre, et la naïve Fanchette, craignant de déplaire à M. le président, termine chaque couplet de sa demande en ajoutant : Sauf votre bon plaisir, Monseigneur !... 

M. le président a son tour. Caché derrière une charmille, il voit Damis parler à Mme la présidente, la remercier du consentement qu’elle donne à son union avec Lucie, et tomber même à ses pieds pour rendre la chose plus touchante. M. le président surprend les prétendus amans, et provoque l’officier : en cela l’auteur a manqué aux convenances comiques ; car, au théâtre, les gens de robe ne se battent jamais. Damis qui, sans doute, en est persuadé, se hâte de le tirer d’erreur, et pour éloigner tout soupçon de jalousie, il épouse Lucie et quitte le château. 

La musique des Deux Jaloux est mélodieuse, agréable, remplie d’expression et de goût : il y a long-temps que l’Opéra-Comique n’en avait acquis de pareille pour son répertoire. On a surtout applaudi l’ouverture et le trio de Frontin, Thibault et Fanchette : Oui, Fanchette est charmante dans sa simplicité. — Les auteurs ont été demandés à grands cris ; mais Gavaudan est venu annoncer qu’ils désiraient garder l’anonyme. 

Mme Gavaudan a créé le rôle de Fanchette : elle le joue d’une manière inimitable ; Lesage et Gavaudan ont fort bien exprimé les agitations jalouses de Thibault et du président : ils y mettent tant de naturel et de vérité qu’on les prendrait volontiers pour des amans malheureux ou des maris trompés.

 M. 

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Composer

Sophie GAIL

(1775 - 1819)

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