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Académie des beaux-arts. Séance annuelle

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Académie des beaux-arts. 
Séance annuelle. Distribution des prix.

Le programme de cette séance ne différait de celui des autres qu’en un point : c’est qu’au lieu de s’ouvrir par une ouverture, elle commençait par l’andante et le scherzo d’une symphonie composée par M. Deffès, pensionnaire de l’Académie de France à Rome. 

M. Deffès a remporté le grand prix en 1847. Nous avons entendu dire que l’ouverture présentée par lui, suivant l’usage, pour être exécutée dans la séance solennelle, avait semblé trop difficile, et que, pour la bien rendre, il eût fallu l’étudier trop longtemps. Nous sommes disposés à le croire, après l’audition des fragments de sa symphonie. Ces fragments d’une facture soignée, laborieuse, d’une couleur un peu sombre, austère même, indiquent chez le musicien une préoccupation constante des effets de combinaison, vulgairement appelée science. L’inspiration ne le domine pas, ne l’entraîne pas : il calcule sa marche et la contourne avec réflexion. Nous lui voudrions un peu plus de franchise et de liberté d’allure. Il y a un charmant passage dans son scherzo, imitant le balancement d’une barque ou l’ondulation des vagues sous un pizzicato des violons ; mais on n’y arrive pas sans peine : le scherzo demande plus de légèreté, d’entrain. 

Dans le rapport sur les ouvrages des pensionnaires de l’Académie de France à Rome, rédigé par M. Raoul Rochette et lu par M. Lemaire, le sculpteur, il a été question, outre M. Deffès, de MM. Gasoil et Duprato, dont l’un a devancé M. Deffès d’une année, et dont l’autre l’a suivi à la même distance. Ces deux gens ont envoyé des travaux de différent genre, un opéra, un oratorio, dont le rapport apprécie les mérites et les défauts. Ce n’est pas la faute de l’Académie, si ses bons conseils n’obligent pas plus souvent les élèves à produire des chefs-d’œuvre. 

Dans la distribution générale des couronnes d cette année, la musique en a obtenu trois. Le premier grand prix a été décerné à M. Delehelle, élève d’Adolphe Adam et de feu Hippolyte Colet ; le second grand prix à M. Galibert, élève d’Halévy et de Bazin ; le deuxième second grand prix à M. Léonce, élève de Leborne. 

Comme toujours, l’exécution de la cantate couronnée a terminé la séance. Cette cantate, intitulée le Prisonnier, était de M. Édouard Monnais ; et, nos lecteurs le savent, un chapitre du beau livre de Silvio Pellico, Le mie Prigioni, en avait fourni le thème. Silvio, captif sous les plombs de Venise, s’est épris de la voix d’une prisonnière qu’il n’a jamais vue, mais avec laquelle il s’entretient à travers l’espace. Le charme de cet entretien commence à lui faire aimer sa prison, lorsqu’on vient lui annoncer qu’il est libre et qu’il ne tient qu’à lui de sortir. Il refuse, il se révolte : le geôlier ne comprend rien à son caprice. Silvio s’obstine et serait encore prisonnier, si la prisonnière elle-même, comme lui rendue à la liberté, ne venait le prendre par la main. Ce dénouement n’est pas du tout celui de l’histoire ; Silvio Pellico ne quitta les plombs de Venise que pour les cachots de Spielberg : le Prisonnier, dans la cantate, est plus heureux. 

Nous connaissons beaucoup trop l’auteur de cette cantate pour parler d’autre chose que de l’œuvre du jeune musicien. M. Delehelle est dans la bonne voie, celle de la mélodie facile et pourtant distinguée. Il chante naturellement et avec élégance ; il a du sentiment et de la grâce. Le cantabile de l’air de Silvio, Compagne invisible et fidèle, brille par ces qualités ; mais la barcarolle de Gemma, Dans Venise il était jadis, les réunit à un degré plus remarquable encore. C’est le diamant de sa partition, et nous en estimons surtout l’abandon, le laisser-aller, qu’on rencontre si rarement dans les compositions académiques. Les jeunes élèves ont si peur de manquer le prix qu’ils se raidissent de toutes leurs forces, comme les nageurs novices, au point de se donner la crampe, qui finit par leur ôter le mouvement. 

Il y a aussi de très-jolis passages dans le duo de Silvio et de Gemma, comme dans le trio final ; mais la déclamation n’en est pas toujours assez accentuée, assez chaleureuse : le personnage du geôlier ne s’y dessine pas assez nettement. Ce sont là des fautes excusables dans un élève qui n’a pas encore eu l’occasion de s’entendre exécuter en public, avec orchestre. Au contraire, les qualités de M. Delehelle sont de celles que le travail le plus assidu et les plus habiles maîtres ne donnent pas. 

Boulo, qui arrivait de sa tournée départementale, a chanté le rôle de Silvio avec la fraîcheur de voix et la suavité d style que nous lui connaissons. Mlle Félix Miolan a dit la barcarolle de façon à être applaudie de tout l’auditoire. Merly a fort bien rendu le rôle du geôlier. [...]

P.S.

Related persons

Librettist, Journalist

Édouard MONNAIS

(1798 - 1868)

Conductor, Composer

Georges BOUSQUET

(1818 - 1854)

Composer

Charles-Alfred DELEHELLE

(1812 - 1893)

Composer

Louis DEFFÈS

(1819 - 1900)

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