Prix de Rome

Le concours de Rome a été quelque peu incidenté cette année. Les quatre concurrents devaient, on se le rappelle, sortir réglementairement le 15 juin, étant entrés en loge le 22 mai. Mais il est arrivé que trois d’entre eux n’étaient pas prêts et qu’ils avaient besoin d’une prolongation de trois jours. Or, cette prolongation, ils ne l’auraient pas obtenue si la demande n’en avait été signée par tous les concurrents, et le quatrième, M. Edmond Malherbe, qui n’avait, lui, qu’un désir, celui de s’en aller, n’a pas hésité pourtant, ce qui est tout à son éloge, à signer avec ses camarades la demande, qui de cette façon a été accueillie. M. Malherbe est sorti en effet le jeudi 16, les mains dans ses poches, tandis que ses compagnons achevaient leur tâche, ayant pour cela jusqu’au samedi soir. Mais ceux-ci eux-mêmes, malgré le sursis qu’ils avaient obtenu, ne purent pas complètement terminer leur travail, et MM. Kunc et Schmitt durent sortir sans avoir eu le temps de mettre la dernière main à leur orchestre, laissé par eux en partie inachevé. Et ce n’est pas tout ; voici que M. Crocé-Spinelli, pris tout-à-coup de vomissements violents et assez gravement indisposé pour se trouver pendant trois jours dans l’impossibilité de travailler, se vit obligé de demander personnellement une nouvelle prolongation de trois jours, de sorte qu’il a dû laisser partir seuls, samedi dernier, MM. Schmitt et Kunc, et qu’il n’est sorti lui-même que mardi soir à six heures. Et même dans ces conditions, il n’a pu, lui non plus, terminer sa cantate, s’étant borné à esquisser et à rythmer certains passages sans pouvoir les écrire. La situation devenait singulière. Sur quatre concurrents, un seul, M. Malherbe, se trouvait dans des conditions normales, avec une cantate absolument prête. Devait-on mettre ses trois camarades hors concours, et le laisser seul en présence du jury ? Lui-même était loin de le désirer, et trouvait la position fâcheuse. Enfin, la section musicale de l’Académie des beaux-arts a été convoquée d’urgence hier samedi, par M. Théodore Dubois, pour examiner ce cas singulier et décider de ce qu’il y avait à faire pour sortir d’une situation absolument exceptionnelle. Il n’y avait, en effet, pas de temps à perdre, car on sait que l’exécution des cantates doit avoir lieu, pour le jugement préparatoire, vendredi prochain 1^er juillet au Conservatoire, et pour le jugement définitif le lendemain samedi 2, à l’Institut.