Prière normande
Composée en 1916 sur un texte du poète d’origine normande Jacques Hébertot, la Prière normande de Caplet fut publiée isolément à Paris en 1918. Écrite alors que le compositeur est mobilisé par la Grande Guerre, cette pièce est révélatrice de l’inébranlable foi catholique qui l’anime – foi qui évoluera vers un mysticisme dont Le Miroir de Jésus, composé en 1923, est particulièrement emblématique. Animée d’un grand optimisme, cette pièce en mi majeur, s’articule autour de plusieurs sections à l’écriture colorée et vivante. L’invocation initiale à la Vierge « Apprenez-nous comment on prie » s’ouvre par une écriture en accords parallèles, dont les sixtes évoquent la technique du faux-bourdon employée dans les compositions liturgiques et participent d’une esthétique de la simplicité. Ces successions d’accords sont enrichies par des couleurs de septième qui donnent du relief au discours. Tout au long de cette Prière, Caplet traduit la prolifération des éléments naturels demandée aux différents intercesseurs évoqués dans le texte par une mise en mouvement de la matière musicale : miroitement d’accords, pédales animées par des broderies de seconde, conquête de l’aigu (ces différents moyens se trouvent combinés dans les passages « remplissez de blé d’or nos granges » puis « dispersez beaucoup de mésanges »). Le discours s’immobilise soudain pour la section de prière adressée au « Seigneur », « piu lento », avant de regagner en animation sous l’effet de l’énoncé du mot « choses », puis pour illustrer les prières « Laissez grimper les fleurs » et « Accordez-nous beaucoup de roses ».