Quand reverrai-je, hélas ?
Composée sur « quelques vers de Joachim du Bellay exprimant un état d’âme » – qui forment le deuxième quatrain du sonnet « Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage » –, la mélodie « Quand reverrai-je, hélas ? » fut composée par André Caplet en 1916 et publiée isolément à Paris en 1918. Originellement écrite pour soprano et harpe, l’œuvre existe aussi dans une version avec accompagnement de piano. Empreinte d’un caractère nostalgique, cette mélodie renvoie à l’expérience du compositeur, mobilisé pendant la Grande Guerre – comme l’indique sur la partition la mention « sergent de liaison » sous le nom de Caplet. Cultivant une esthétique de la simplicité, cette courte page en lamineur s’ouvre sur trois mesures à l’harmonie immobile de second degré qui donnent une impression de suspension, renforcée par l’écriture sur pédale de tonique dont semble émerger, par résonance, un flux ininterrompu de croches ascendantes et descendantes du piano. La voix chante doucement, « sans révolte », dans un tempo modéré et une nuance allant du piano au mezzoforte, et procède, à l’instar de l’accompagnement, essentiellement par mouvements conjoints, dans une écriture syllabique, à la rythmique régulière, dont les profils souvent descendants expriment subtilement la mélancolie des vers de Du Bellay. À la fin de la pièce, les progressions harmoniques de tierces majeures (enchaînement d’accords de fa majeur, la majeur, do dièse mineur puis la majeur) apportent à cette page un surcroît de mystère : une fois la mélodie achevée, l’auditeur reste enveloppé d’une douce nostalgie.