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La Fille de madame Angot de Lecocq

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THÉÂTRES […] FOLIES-DRAMATIQUES : La Fille de Mme Angot, opéra-bouffe en trois actes, par MM. Clairville, Siraudin et Koning ; musique de M. Lecoq.

Voilà Mme Angot revenue au boulevard du Temple, son berceau. À quoi bon cette évocation d’un fantôme démodé ? C’est à peine si l’on se souvient aujourd’hui que Mme Angot, figure tout à fait d’invention, personnifia, sous le Directoire, les poissardes enrichies par l’agiotage. Un homme, l’acteur Corsse, présentait Mme Angot, toute pavoisée de rubans, maniant un immense éventail et appelant les gens : Mon fiston ! Il y a eu pendant longtemps des Mme Angot aux descentes de la Courtille. À l’heure qu’il est, cette caricature a perdu toute sa signification ; le type a disparu des Halles, et les Halles elles-mêmes n’ont plus conservé que bien peu de chose de leur physionomie d’autrefois. Si l’on ressuscite Mme Angot, que ne ressuscite-t-on également Mayeux, Cadet-Roussel, les Pointu, les Bagnolet ? 

On dira qu’il n’y a là qu’un prétexte à costumes, et que le nom de la fameuse poissarde sert tout bonnement à justifier la présence des merveilleux et des merveilleuses que les Folies-Dramatiques éprouvaient le besoin d’exhiber. À la bonne heure ! Le fait est que, dans la pièce de MM. Clairville, Victor Koning (un auteur par acte sans doute), l’œil est sollicité par un amusant fouillis d’habits aux basques démesurées, de vastes cravates de mousseline, de bas rayés, de gourdins noueux, de chapeaux en demi-lune et même en lune tout entière. Voilà pour les hommes, pour ceux que l’on appelait les incroyables et les muscadins. Quant aux femmes, leurs tuniques ne laissent rien à désirer sous le rapport de la transparence. On voit que les cartons de Joseph Vernet, de Boilly et de Debucourt ont été consultés avec fruit.

Un personnage historique circule à travers cet opéra bouffe : c’est Pitou, le chansonnier populaire, oublié je ne sais comment par Charles Yriarte dans ses Physionomies de la rue, Ange Pitou, si étrangement défiguré par Alexandre Dumas, et remis plus tard en son vrai cadre d’événements par Edmond et Jules de Goncourt, les auteurs de l’Histoire de la société française pendant le Directoire. Ange Pitou pouvait fournir mieux qu’un caractère épisodique dans la Fille de Madame Angot ; Siraudin le sait bien, lui qui est un bibliophile autant qu’un érudit. Le chansonnier de la place Saint-Germain-l’Auxerrois, le déporté de fructidor, le colon de Cayenne, le libraire bouquiniste de la rue Croix-des-Petits-Champs, Louis-Ange Pitou, en un mot, a écrit ses aventures dans une demi-douzaine de volumes devenus rares, et pouvant certainement donner lieu à plusieurs actions dramatiques.

Mais on n’y met pas tant de façons au théâtre des Folies. Le public ne demande qu’à être distrait, et à ce point de vue, la Fille de Madame Angot est de nature à faire passer une heure ou deux. Ceux qui se connaissent en musique disent beaucoup de bien de la partition de M. Lecoq. Mlle Paola Marié, fort remarquée dans Héloïse et Abélard, voit augmenter chaque jour le nombre des partisans de son jeu plein de gentillesse. 

CHARLES MONSELET.

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Composer

Charles LECOCQ

(1832 - 1918)

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Charles LECOCQ

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CLAIRVILLE Victor KONING Paul SIRAUDIN

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