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Les Abencérages de Cherubini

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ACADÉMIE IMPÉRIALE DE MUSIQUE.

Première représentation des Abencerages, opéra en trois actes.

Cet ouvrage a obtenu avant-hier le succès le plus brillant. Mais sa première gloire a été d’être honoré de la présence de nos augustes souverains. Le sentiment de bonheur éprouvé par l’assemblée a dû nécessairement exciter la bienveillance en faveur de la pièce et des acteurs : ils en ont recueilli les heureux fruits.

Gonzalve de Cordoue, l’un des héros de la chevalerie espagnole, a fourni le sujet de l’opéra nouveau. Longtemps dégradé sur des théâtres subalternes, il était digue de lui de triompher au temple de Polymnie. Il s’est associé pour cette entreprise à l’Orphée de notre école, au premier chorégraphe du siècle ; et fier des succès multipliés de son poète, voici la noble matière qu’il a offerte à leurs talents réunis.

Almanzor, chef de la tribu des abencerages, vient d’épouser la belle Noraïme, princesse du sang royal ; Alemar, chef de la tribu des zegris, est l’ennemi du jeune guerrier ; il imagine, pour troubler son bonheur, de supposer que le roi de Grenade, Muley-Assem, absent de son royaume, vient de lui envoyer l’ordre de recommencer les hostilités contre les castillans. Ceux-ci qui étaient venus avec leur général Gonzalve aux noces d’Almanzor, se retirent à cette nouvelle, les danses de l’hymen sont interrompues, l’étendard, cet étendard dont la perte est un arrêté de mort contre celui qui le laisse enlever, est confié à Almanzor ; c’est lui qui doit sur-le-champ aller attaquer le camp espagnol ; Almanzor jure qu’il reviendra vainqueur ; mais Alemar secrètement lié avec le porte-drapeau du jeune guerrier, jouit d’avance de la trahison qu’ils ont ourdie ensemble.

Koraïme attend son héros ; de nouvelles danses que ses compagnes exécutent devant elle, ne peuvent la distraire du trouble qui l’oppresse. Ses tristes pressentimens se réalisent, Almanzor revient vainqueur ; mais il a perdu le drapeau sacré. Cité devant le conseil des vieillards, il leur montre vainement tous les drapeaux qu’il a conquis sur l’ennemi. Ce n’est par là l’étendard de Grenade ; en vain il objecte qu’il a des soupçons sur son porte-drapeau et sur Alemar lui-même. Des soupçons ne sont pas des preuves ; la loi rigoureuse et clémente à la fois condamne Almanzor à l’exil. Mais la mort sera le prix de sa témérité s’il reparaît jamais dans l’enceinte des remparts.

Passe pour cette dernière loi, elle est de tous les pays ; mais dans tous les pays aussi n’est-il pas permis à un exilé d’emmener avec lui sa femme et ses enfans ? Il paraît que les arabes, l’un des peuples les plus religieux de la terre, ne connaissaient pas encore de genre de justice à l’époque où l’action se passe, car Noraïme ouvre le troisième acte sur les bords du Xenil ou du Darro, petits fleuves qui baignent les murs de Grenade, bien résolue à fuir pour se rejoindre à son époux. Celui-ci lui en évite la peine, il sort du milieu des roseaux habillé en esclave, il vient pour l’emmener dans sa barque, mais Alemar le surveille, il fond sur lui avec ses zegris, il traite de violation de la loi une apparition qui, vu le peu de temps qui s’est écroulé depuis le jugement, ne devrait être considérée que comme une scène d’adieux. L’audience s’ouvre de nouveau, et le jeune homme est condamné à être précipité du haut des tours, à moins qu’un guerrier ne prenne sa défense en champ clos. Un zegris, confident d’Alemar, défis tous les abenecerages. Cette tribu reste muette, lorsque tout-à-coup paraît Noraïme suivie d’un brave inconnu portant dans ses mains un drapeau noir. Ce brave est Gonzalve, qui renouvelle avec son adversaire le combat à outrance de Bayard contre Sotto-Mayor. Le zegris est poignardé. Gonzalve est reconnu, il fait tomber le crêpe qui couvrait le drapeau de Grenade, et il annonce que le coupable porte-enseigne le lui a livré lui-même. On apprend en même temps toutes les perfidies d’Alemar, on le traîne à la mort, et un troisième ballet fait oublier aux jeunes époux tous les tourments de la journée.

Nous pourrions hasarder quelques critiques bien fondées sur la contexture de cette action, mais nous sommes désarmés par la beauté d’un sujet vraiment dramatique, et par les grandes intentions de l’auteur qui a quelquefois réussi à présenter des situations imposantes, telles que le beau mouvement des amis d’Almanzor opposant à ses accusateurs les drapeaux qu’il vient de conquérir sur l’ennemi. Nous ne devons pas moins d’éloges au style presque toujours élégant dont M. de Jouy a écrit son poème, et surtout à l’art heureux avec lequel il a distribué dans cette action les parties de chant, de danse et tous les brillants accessoires qui ont assuré avant-hier le succès des Abencerages.

Nous consacrerons un second article à l’examen de cette musique et de ces ballets, qui, en général, ont fait le plus grand plaisir aux spectateurs.

Lavigne a représenté Gonzalve avec toute la noblesse de cet ancien chevalier ; il a chanté son rôle avec tout le goût des troubadours qui l’accompagnaient ; Mme Branchu n’a laissé désirer à son tour qu’un rôle un peu plus brillant ; mais Nourrit et Denvis, presque toujours en scène, ont été constamment applaudis. Bertin, Eloi et Duparc se sont distingués dans leurs personnages accessoires. Il est inutile de parler des premiers sujets de la danse ; il faudrait répéter les milliers d’éloges qu’on leur a déjà donnés.

M.

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Luigi CHERUBINI

(1760 - 1842)

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/

Étienne de JOUY

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