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La Princesse jaune

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Théâtre de l’opéra-comique.
La Princesse jaune, opéra-comique en 1 acte, paroles de M. Louis Gallet, musique de M. Camille Saint-Saëns. – Reprise de Bonsoir voisin, musique de M. Poise.

M. Bizet ne se doutera probablement jamais du service qu’il a rendu à M. Saint-Saëns avec sa Djamileh.

Tous les bruits de coulisse racontaient avant la soirée d’hier qu’entre la lamentable esclave d’Haroun et la princesse Jaune de M. Saint-Saëns, il existait un lien étroit de parenté.

Les deux ouvrages, disait-on, étaient écrits dans ce style précieux, ambitieux, prétentieux, monotone et vide, qui caractérise l’école d’impuissants dont Wagner est le souverain maître et dont M. Bizet s’honore, dit-on, d’être un des disciples les plus bruyants, sinon les plus convaincus ; de cette coterie d’Origènes volontaires qui se mutilent pour arriver à ne rien produire de vivant et de fécond, qui tuent chez eux, par une sorte de mysticisme de fakir, tout ce qui est mélodie, idée, sentiment, et n’aspirent qu’à faire de la musique, cet art qui ne vit que de passion, une manière d’abstraction, une sorte de formule indistincte où les pédants de Munich et Dresde trouvent seuls la pâture de leur illuminisme.

On se disait tout cela hier en arrivant à l’Opéra-Comique, et la critique, façonnée cependant depuis longtemps aux supplices que l’ennui ne lui ménage guère, arrivait du pas le plus lent qu’elle pouvait pour accomplir, résignée et soumise, la triste besogne qui lui était réservée.

Tant de douceur et de patience devait être récompensé et l’a été.

La musique de la Princesse jaune est d’un écrivain nourri des plus solides études ; elle révèle chez l’auteur une érudition substantielle, un savoir vrai, varié, classique. On éprouve une joie véritable a le suivre dans l’orchestre, à voir avec quel art et quel goût il manie les instruments, comme il en connaît bien les mérites et les ressources ; on est charmé en goûtant ce qu’il y a de correct, de réservé et cependant d’abondant et de touffu dans son orchestration qui promet un maître.

À ces qualités qu’il partage, – un peu à la manière du lion, il est vrai, – avec ses amis de la nouvelle école, il joint ce qui manque à ceux-ci, ou ce qu’ils se refusent, la mélodie, la phrase, l’idée, qui chez lui ont le nombre, la clarté, la justesse d’expression, la variété et l’élévation.

Le seul reproche que nous pourrions lui adresser, c’est peut-être un peu d’ambition, de recherche de style. Il a trop vécu dans l’intimité des maîtres et se laisse aller à parler leur langage. C’est un défaut quand on a à écrire un simple opéra comique. Ce sera une qualité lorsque l’auteur abordera le grand opéra.

Nous n’avons pas la prétention, après une seule audition, de porter un jugement étudié sur chacun des morceaux qui composent la partition de la Princesse Jaune

Dans l’ouverture, ce qui nous a le plus frappé, c’est l’andantino par où débute ce morceau. L’allegro qui suit est agréable, mais nous a paru moins distingué.

L’air, pour ténor : J’aime en son lointain mystère, est d’une originalité charmante et de bon goût. L’accompagnement mérite d’attirer l’attention du public dilettante.

L’air pour soprano : Je faisais un rêve insensé, n’a pas produit tout l’effet que l’auteur était en droit d’en attendre. La faute en est sans doute à l’artiste qui l’interprétait, car il est marqué au coin de la passion vraie.

Le morceau réellement capital de la partition est la scène avec chœur, chanson et duo, commençant par les mots : Ah ! quel nuage d’or. C’est de la bonne et grande musique, que nous voudrions pouvoir analyse en détail.

Le libretto a failli tout gâter par son extravagance. 

Il s’agit d’un jeune savant hollandais qui, à force d’étudier l’histoire et les mœurs du pays de l’extrême Orient, s’est pris de passion pour une Japonaise de paravent dont l’image tapisse son cabinet de travail. Les yeux bridés et la peau jaune de son idole de carton font grand tort aux charmes d’une cousine qui vit près de lui et qui l’aime.

Sans que nous puissions expliquer pourquoi ni comment, le jeune rêveur se trouve subitement transporté au Japon, et sa cousine paraît devant lui en costume de l’endroit. Naturellement il l’adore sous cette forme insolite.

Lorsqu’il lui a peint sa flamme, il se retrouve dans son cabinet et épouse la cousine. Il n’y a que deux personnages dans cette singulière pièce.

M. Lhérie, l’un d’eux, s’est très bien tiré du personnage de l’étudiant. Sa voix est juste et d’un timbre agréable.

Mlle Ducasse devrait s’en tenir aux rôles de servante et de soubrette, où sa tournure, son visage et sa distinction lui assurent une bonne place. Quant à chanter l’amour et à en inspirer, ce sont choses auxquelles rien ne lui permet de prétendre, au théâtre, s’entend. […] 

Frédérick

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Composer, Organist, Pianist, Journalist

Camille SAINT-SAËNS

(1835 - 1921)

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/

Louis GALLET

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