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Fausto de Louise Bertin

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Théâtre-Italien. Fausto, opéra en trois actes. Musique de Mlle ***.

Goethe en écrivant son célèbre drame de Faust, paraît avoir cédé plutôt au désir d’imprimer le cachet de son talent à une action dialoguée qu’à celui de faire une pièce qui pût être représentée. Il n’a point obéi aux règles ordinaires de la scène. Les larges concessions de la poétique théâtrale germanique lui ont même semblé des entraves trop rudes. Sa fantaisie, son imagination, si bizarres qu’elles puissent paraître, voilà ce qu’il a pris pour guide, et l’on voit qu’il n’a cherché qu’à se plaire.

Son sujet ne lui appartient pas. D’anciens écrivains allemands l’avaient traité avant lui, et ceux-là mêmes n’avaient fait que recueillir une tradition populaire [...].

Le drame de Goethe a séduit beaucoup de littérateurs, qui ont essayé de l’arranger et de le renfermer dans les limites et dans les exigences de la scène ; mais, soit qu’il y ait eu inhabileté de la part des arrangeurs, soit qu’il y ait eu plus de séduction romanesque que de véritable intérêt dramatique dans le sujet de Faust, ces essais n’ont pas réussi. Néanmoins, tous les musiciens se montrent fort épris de ce sujet et le croient propre à fournir les situations les plus musicales. Deux tentatives ont été faites pour le transformer en opéra : l’une en Allemagne, il y a quelques années ; l’autre en France. L’opéra allemand passe en général pour l’une des bonnes partitions de Spohr, bien qu’il mérite peu la renommée dont il jouit ; l’opéra fait en France, sur des paroles italiennes, est celui qui vient d’être représenté avec succès au Théâtre-Italien ; c’est de celui-ci qu’il me reste à rendre compte.

Tout le monde connaît le drame de Goethe ; les scènes principales de l’opéra de Fausto en sont tirées : il est donc inutile que j’en fasse l’analyse. Je me bornerai à parler de la musique. Cette musique est l’ouvrage d’une jeune personne, dont l’entreprise n’est pas moins étonnante par son importance que par la manière dont elle a été exécutée. Un opéra italien en trois actes ! il est peu de compositeurs français exercés qui ne se fussent effrayés d’une semblable tâche ; néanmoins une femme a osé s’en charger et c’est le sujet le plus difficile et le moins susceptible d’être traité avec l’amabilité d’une imagination féminine qu’elle a choisi ! C’est que le talent qu’elle a reçu de la nature n’a rien de féminin ; c’est que sa manière de sentir est pleine d’énergie et d’une mâle vigueur. La mélodie n’est point la partie brillante de Fausto, bien qu’il s’y trouve quelques phrases d’un chant large et expressif ; le mérite de cet ouvrage consiste surtout dans une grande originalité de pensée, dans un sentiment profond des situations dramatiques et dans quelques effets neufs indiqués par un heureux instinct plutôt que par de longues études. La couleur en est un peu trop uniforme, et les développements des morceaux sont en général trop considérables ; mais ces défauts sont ceux de l’inexpérience. Leur effet ne peut se prévoir dans la composition d’un premier ouvrage ; l’auteur de Fausto s’en corrigera facilement. L’habitude lui fera connaître aussi comment on peut mettre de la clarté dans le style et cette économie de moyens dont l’effet est de jeter de la variété dans l’instrumentation ; car tout cela s’apprend et ne peut s’apprendre que par l’exercice. Ce qui ne s’apprend point, ce qu’il faut avoir reçu de la nature, c’est l’art de sentir les situations dramatiques et de les exprimer : cet art, Mlle *** le possède. 

Parmi les morceaux de la partition du Fausto qui ont été remarqués et justement applaudis, je citerai l’introduction, dans laquelle se trouve un chœur religieux d’un fort beau caractère ; le trio qui vient ensuite et le finale du premier acte ; un air et deux duos du deuxième, et tout le troisième acte. Certes une partition dans laquelle brillent de telles choses est suffisamment recommandée à l’attention des musiciens. C’est un brillant début qui promet une belle carrière.

L’exécution de quelques parties de l’ouvrage n’a pas été irréprochable, mais d’autres parties ont été rendues avec ensemble et chaleur. Mme Méric-Lalande a déployé un talent fort remarquable, surtout dans la dernière scène, où elle s’est élevée jusqu’au sublime. 

Après la représentation, l’auteur a été demandé avec chaleur et a fait savoir qu’il préférait garder l’anonyme.

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Louise BERTIN

(1805 - 1877)

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