Salomé

L’opéra de Richard Strauss a relégué dans l’oubli cette Salomé française, pourtant antérieure, probablement amorcée à la fin des années 1890. Antoine Mariotte avait obtenu l’autorisation d’adapter la pièce d’Oscar Wilde. Mais un changement d’ayant droits et des questions juridiques passablement embrouillées permirent à Strauss de bénéficier d’une clause d’exclusivité. Le compositeur allemand imposa donc à Mariotte des conditions drastiques : après sa création, l’opéra ne pouvait connaître qu’un nombre restreint de représentations ; la partition devait être brûlée, une compensation financière versée à Strauss et son éditeur ! Grâce à une intervention de Romain Rolland, Strauss accepta heureusement de revenir sur ces exigences. La Salomé de Mariotte fut ainsi créée à Lyon le 30 octobre 1908, puis reprise à Paris, à la Gaîté-Lyrique, le 22 avril 1910. Elle fut aussi entendue dans plusieurs villes de province, à Genève et à Prague, ainsi qu’à l’Opéra de Paris en 1919. Comme Strauss, Mariotte a directement mis en musique le texte de Wilde, dans lequel il a néanmoins réalisé des coupes différentes : il atténue la vénalité cruelle d’Hérodiade et Hérodias, supprime presque totalement le contexte juif (l’affaire Dreyfus aurait-elle influencé cette orientation ?), exclut l’orientalisme et confie le personnage de Salomé (moins trouble que sa sœur germanique) à une mezzo-soprano. Le langage de cet opéra marqué par le symbolisme se souvient çà et là de Debussy, mais avec une écriture vocale ouvertement lyrique. On notera l’intervention de la voix de Iokanaan dans la « Danse des sept voiles », et celle d’un chœur invisible, chantant bouche fermée, dans la scène finale.